mardi 14 février 2012

Marius Victorinus ou Gaius Marius Victorinus Afer


Forum de Trajan
Gaius Marius Victorinus (Gaius Marius Victorinus Afer), parfois aussi simplement désigné par Victorinus (milieu du IVe s.), est un grammairien romain, professeur de rhétorique et philosophe néoplatonicien, africain de naissance (d’où son surnom Afer), qui a vécu durant le règne de Constantin II. Il enseigna la rhétorique à Rome (un de ses élèves fut saint Jérôme), et dans sa vieillesse se convertit au christianisme. On pense que sa conversion eut une grande influence sur celle de saint Augustin. Lorsque l’empereur Julien publia vers 362 un édit interdisant aux Chrétiens de donner des cours, Victorinus ferma son école. Une statue fut érigée en l’honneur de ce maître sur le forum de Trajan. (...)
Dans ses écrits, il combat l'arianisme et tente d'harmoniser la foi chrétienne et la métaphysique néo-platonicienne.
On le range parmi les Pères latins de l'Église. Son intérêt provient de deux choses : d'une part saint Augustin dit que Victorinus lui avait fait lire des livres de "platoniciens" (on pense qu'il s'agit des Ennéades de Plotin); d'autre part, Victorinus qui connaissait assez bien ces doctrines platoniciennes les a utilisées pour construire sa doctrine de la Trinité de Dieu, qui est sans précédent dans la théologie paléochrétienne.
Source du texte :  wikipedia

Simplicianus raconte à Augustin la conversion de Victorinus-le-rhéteur.
J’allai donc vers Simplicianus, père selon la grâce de l’évêque Ambroise, qui l’aimait véritablement comme un père. Je le fis entrer dans le dédale de mes erreurs. Et lorsque je lui racontai que j’avais lu quelques ouvrages platoniciens, traduits en latin par Victorinus, rhéteur à Rome, qui, m’avait-on dit, était mort chrétien, il me félicita de n’être point tombé sur ces autres philosophes pleins de mensonges et de déceptions, professeurs de science charnelle (Coloss. II, 8), tandis que la doctrine platonicienne nous suggère de toutes les manières Dieu et son Verbe. Puis, pour m’exhorter à l’humilité du Christ, cachée aux sages et révélée aux petits (Matth. XI, 25), il réunit tous ses souvenirs sur ce même Victorinus, qu’il avait intimement connu pendant son séjour à Rome. Ce qu’il m'a dit de lui, je ne le tairai pas. Adorable chef-d’œuvre de puissance et de grâce ! Ce vieillard, si docte en toute science libérale, qui avait lu, discuté, éclairci tant de livres écrits par les philosophes; maître de tant de sénateurs illustres, à qui la gloire de son enseignement avait mérité l’honneur le plus rare aux yeux de la cité du monde une statue sur le Forum; (...)
Seigneur, Seigneur, ô vous qui avez abaissé les cieux et en êtes descendu, qui avez touché les montagnes et les avez embrasées (Ps. CXLIII, 5), par quels charmes vous êtes-vous insinué dans cette âme ? Il lisait, me dit Simplicianus, la sainte Ecriture, il faisait une étude assidue et profonde de tous les livres chrétiens, et disait à Simplicianus, loin du monde, en secret et dans l’intimité « Sais-tu que me voilà chrétien ? Je ne le croirai pas, répondait son ami, je ne te compterai pas au nombre des chrétiens, que je ne t’aie vu dans l’église du Christ. » Et lui reprenait avec ironie : « Sont-ce donc les murailles qui font le chrétien ? » Il répétait souvent qu’il était décidément chrétien ; même réponse de Simplicianus, même ironie des murailles. (...)
Augustin, Confessions, VIII, 2.
Source et suite du texte : wikisource


Bibliographie (en français) :
- Traités théologique de la Trinité (Correspondances avec Candidus, Contre Arius, Qu'il faut accepter l'homoousion, Hymnes), deux tomes, Ed. du Cerf, 1960.
(compte rendu persee)
Etudes :
Pierre Hadot, Porphyre et Victorinus, deux tomes, Ed. Etudes Augustiniennes, 1968.
(compte rendu persee)
Pierre Hadot, Marius Victorinus, recherche sur sa vie et son oeuvre, Ed. Etudes Augustiniennes, 1971.
(compte rendu persee)


Pourquoi Victorinus, lisant le Nouveau Testament, a-t-il pu croire qu'il était chrétien ? Il a fallu pour cela qu'il crût reconnaître dans certaines formules de l'Ecriture des dogmes néoplatoniciens : c'est l'ibi legi d'Augustin, inversé, non pas, comme Augustin : j'ai reconnu dans les textes néoplatoniciens, le prologue de saint Jean, mais : dans le prologue de saint Jean, j'ai reconnu les vérités de la philosophie néoplatonicienne. (...)
Dans le prologue de saint Jean, Victorinus semble reconnaître tous les principes néoplatoniciens : Dieu, l'Intelligence, la Matière et l’Âme. Le premier verset signifie que la seconde hypostase, l'Intelligence, était originellement confondue avec la première, c'est-à-dire Dieu, et qu'elle s'en est distinguée. Le troisième verset se rapporte à la création du monde intelligible. Le quatrième verset révèle le double aspect de l'Intelligence ou du Logos : "Ce qui a été fait en lui était VIe et la Vie est la Lumière des hommes." L'Intelligence est Vie et Pensée (=Lumière) et en se communiquant au monde intelligible, elle lui apporte indissolublement la Vie et la Pensée. Dans le cinquième verset, Victorinus reconnait l'apparition de la Matière, en opposition au monde intelligible. C'est l'annonce de la génération du monde sensible : "La lumière a lui dans les ténèbres", c'est-à-dire la matière. (...)
Pierre Hadot, Marius Victorinus, (p. 239).


HYMNE PREMIER
Vraie lumière, assiste-nous, o Dieu Père tout-puissant ! Lumière de lumière, assiste-nous, mystère et puissance de Dieu ! Saint-Esprit, assiste-nous, toi, le lien du Père et du Fils ! En repos, tu es le Père, en ta procession, le Fils, et reliant tout en un, tu es le Saint-Esprit.
O Dieu, tu es l'Un premier, l'Un né de soi, l'Un avant l'un. Tu précèdes toute pluralité, nulle limite ne permet de te connaitre. En toi, nulle pluralité, car nulle pluralité ne provient même de toi. Cette pluralité, en effet, l'Un qui est né de toi, l'engendre plus qu'il ne la possède. Sans mesure est donc le Père, mais le Fils, à la fois, est mesuré et sans mesure. (...)



William Turner, Lever de Soleil sur un lac

HYMNE TROISIEME
- Dieu, Seigneur, Esprit-Saint,
O bienheureuse trinité.
- Existence, Vie, Connaissance,
O bienheureuse trinité. (...)
- Tu es la source, Tu es le fleuve, Tu baignes toutes choses,
O bienheureuse trinité. (...)
- Inengendré, Seul engendré, Engendré en l'engendré,
O bienheureuse trinité.
- Générateur, Engendré, Régénérateur,
O bienheureuse trinité.
- Vraie lumière, Vraie lumière de lumière, Vraie illumination,
O bienheureuse trinité.
- Repos, Procession, Retour,
O bienheureuse trinité.
- Invisible sous un mode invisible, Visible sous un mode invisible, Invisible sous un mode visible,
O bienheureuse trinité.
- Puissance universelle, Acte universel, Connaissance universelle,
O bienheureuse trinité.
- Impassible sous un mode impassible, Impassible sous un mode passible, Passible sous un mode impassible,
O bienheureuse trinité.
- Semence, Arbre, Fruit,
O bienheureuse trinité.
- Tout vient de l'Un, Tout est par l'Un, Tout est en l'Un,
O bienheureuse trinité.
- Un, Un simple, Un et Seul, Un toujours Un,
Un, second Un, Un de l'Un, à la fois Un et Tout,
Un, unissant tout, puissance de l'Un se mettant en acte, pour que tout devienne Un,
O bienheureuse trinité.
- Inengendré de toute éternité, Engendré de toute éternité, Engendré pour que toutes choses soient éternelles,
O bienheureuse trinité. (...)
- Premier existant, Deuxième existant, Troisième existant, Trois qui sont un seul et simple existant,
O bienheureuse trinité.
- Tout existant est substance, Tout existant est substance qui a une forme, Tout substance qui a une forme est connue, ou de soi seule, ou des autres ou à la fois, de soi-même et des autres,
O bienheureuse trinité.
- O Dieu, tu es substance, O Fils, tu es forme, O Esprit, tu es notion,
O bienheureuse trinité. (...)
- O Dieu, tu es immense, tu es infini, tu es invisible, mais, c'est pour les autres que tu es immense, que tu es infini, pour les autres que tu es invisible, car, pour toi, tu es mesurable, pour toi, tu es fini, pour toi, tu es visible, C'est pourquoi, tu as aussi une forme, donc, tu es aussi Logos, parce que le Logos est forme, Et parce que, pour toi, la forme est connaissance, et que la connaissance, c'est l'Esprit-Saint, pour cette raison, tu es, o Dieu, aussi Logos et Esprit-Saint,
O bienheureuse trinité.
- Une est donc la substance : Dieu, Logos et Esprit, demeurant dans les trois, existant trois fois en chacun des trois, Il en est de même pour la forme et la connaissance, C'est ainsi que se triple chaque individualité simple,
O bienheureuse trinité.
- O Dieu, tu es inconnu, o Dieu, tu es incompréhensible,
Mais de l'inconnu, de l'incompréhensible, il y a pourtant une sorte de forme sans forme, Voilà pourquoi l'on t'appelle plutôt Préexistant qu'Existant, plutôt occultation et repos, voilà pourquoi la forme de connaissance est ici celle d'une connaissance inactive,
O bienheureuse trinité. (...)
Extrait de : Traité théologique sur la Trinité
Commande : Ed. du Cerf


(...) La synthèse doctrinale que propose Victorinus est la suivante. Le Père est l'être ou la substance, le Fils est le mouvement ou l'acte qui définit cet être ou cette substance. Ce mouvement est double : il est vie et intelligence (c'est-à-dire Christ et Esprit-Saint), la vie étant un mouvement par lequel l'être se communique, l'intelligence, un mouvement par lequel il revient à lui-même. Le Père, le Fils et l'Esprit-Saint sont donc consubstantiels, parce qu'ils s'impliquent mutuellement, comme l'être, la vie et l'intelligence, en effet, en vertu de cette implication mutuelle, la vie et l'intelligence sont originellement confondues avec l'être (ou substance) et c'est en cela que consiste pour Victorinus la consubstantialité. (...)
Dans cette synthèse, les éléments néoplatoniciens sont facilement reconnaissables. C'est tout d'abord la triade être-vie-pensée : dans la doctrine néoplatonicienne, les trois termes de cette triade s'impliquent mutuellement et ne se distinguent que par la prédominance d'un aspect sur les autres. C'est ensuite la notion d'autogénération et de mouvement automoteur. C'est enfin le principe fondamental : les hypostases supérieures restent immobiles lorsqu'elles engendrent les hypostases inférieures. Ces éléments néoplatoniciens sont totalement fondus avec les données dogmatiques chrétiennes : l'implication mutuelle sert à définir la consubstantialité, la prédominance sert à définir la distinction entre le Père, le Fils et l'Esprit-Saint. (...)
Pierre Hadot, Porphyre et Victorinus, (tome 1, p.45)


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