lundi 24 décembre 2012

Non sum (Je ne suis pas)

MAJ de la page : Jean Tauler



SERMON 83

« Qui es-tu ? » (Jean 1, 19).
Les messagers demandèrent à Jean [le Baptiste] qui il était. Jean répondit : « Non sum. » Il confessa et ne nia point sa véritable identité : « Non sum. » C’est le contraire des hommes qui voudraient tous désavouer leur propre nom ; et tous les efforts des hommes tendent généralement à ceci : comment donc désavouer et cacher leur pauvre identité : Non sum ? Tous veulent généralement à tout prix être ou paraître quelque chose, soit quant à l’esprit, soit quant à la nature. Celui qui parviendrait seulement à atteindre le fond de l’aveu de son propre néant – Non sum –, celui-là serait parvenu au chemin le plus aimable, le plus direct et le plus court, le plus rapide, le plus sûr menant à la vérité la plus haute et la plus profonde qu’on puisse atteindre en ce monde. Pour cela, personne n’est trop vieux, ni trop faible, trop inexpérimenté, ni trop jeune, trop pauvre ni trop riche. Ce chemin c’est : Non sum : je ne suis pas. Ah ! quelle valeur ineffable est enfermée dans cette parole : Non sum. Hélas ! tournez la chose comme vous le voulez, il y en a bien peu qui veulent cette voie d’humilité, car toujours nous voulons être quelque chose, oui, Dieu nous le pardonne : nous sommes et nous voulons et voudrions toujours « être ». Cela emprisonne et entrave tous les hommes en général, car il y en a bien peu qui veulent se renoncer : on accomplirait plus aisément dix bonnes œuvres que de s’abandonner à fond, c’est de là que provient la plupart du temps toute querelle, toute peine. A cause de cette tendance, les mondains veulent avoir des biens, des amis, de la parenté, et pour cela, ils risquent corps et âme ; uniquement pour « être », pour être considérés, riches, bien situés et puissants. Combien de choses, de leur côté, les gens de vie spirituelle font et omettent, combien souffrent et agissent pour ce même motif; que chacun s’interroge lui-même; couvents et ermitages sont pleins de cet esprit qui pousse à toujours vouloir être et paraître quelque chose. (...)

N'être rien, cela procurerait de toute façon, en tous lieux, avec tout le monde, une paix entière, véritable, essentielle, éternelle, et ce serait ce que tout le monde possède de plus délectable, de plus noble, et de plus certain. Et cependant, bien peu en veulent, qu'ils soient riches ou pauvres, jeunes ou vieux. (...)
Puissions-nous donc atteindre tous cet anéantissement afin de nous enfoncer par là dans l'être divin ! Que nous y aident le Père, et le Fils, et l'Esprit Saint ! Amen. 
Extrait de : Jean Tauler, "Aux Amis de Dieu", Sermons, Ed. du Cerf, 2001.
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