mardi 12 février 2013

Ludwig Wittgenstein 1.0


Ludwig Josef Johann Wittgenstein (né à Vienne, Autriche-Hongrie, le 26 avril 1889, mort à Cambridge, Royaume-Uni, le 29 avril 1951) est un philosophe autrichien, puis britannique, qui apporta des contributions décisives en logique, dans la théorie des fondements des mathématiques et en philosophie du langage. Il ne publia de son vivant qu'une œuvre majeure : le Tractatus logico-philosophicus, dont une première version parut en 1921 à Vienne. Dans cette œuvre influencée à la fois par la lecture de Schopenhauer et de Kierkegaard, et par Frege, Moore et Russell, Wittgenstein montrait les limites du langage et de la faculté de connaître de l'homme. Il pensa alors avoir apporté une solution à tous les problèmes philosophiques auxquels il était envisageable de répondre ; il quitta l'Angleterre et se détourna de la philosophie jusqu'en 1929. À cette date, il revint à Cambridge et critiqua les principes de son premier traité. Il développa alors une nouvelle méthode philosophique et proposa une nouvelle manière d'appréhender le langage, développée dans sa seconde grande œuvre, Investigations philosophiques, publiée, comme nombre de ses travaux, à titre posthume.
Source (et suite) du texte : wikipedia

« Dites-leur que j'ai eu une vie merveilleuse. » C'est sur ces mots apaisés que s'éteint le philosophe Ludwig Wittgenstein à Cambridge, au lendemain de son soixante-deuxième anniversaire. (Ray Monk, Wittgenstein).


Bibliographie, voir la page : Wittgenstein 0.0 (Bibliographie)

Voir aussi les pages : Wittgenstein 1.1 (Lire W.) / Wittgenstein 1.2 (La mystique du Tractatus)


La visée du livre [Tractatus Logico-Philosophicus, TLP] est une visée éthique. J'ai pensé un moment inclure dans la préface une phrase qui n'y est pas en fait actuellement, mais que je vous livre, car elle constituera peut-être pour vous la clef de l'ouvrage. Ce que je voulais autrefois écrire était ceci : mon ouvrage comporte deux parties, celle qui est présentée ici, et tout le reste, que je n'ai pas écrit. Et c'est justement cette seconde partie qui importe. Mon livre trace les limites de la sphère de l'éthique pour ainsi dire de l'intérieur, et je suis persuadé que c'est la seule façon rigoureuse de tracer ces limites. En bref, je crois que là où bien d'autres se contentent de verbiage, j'ai, pour ma part, essayé dans mon livre de restituer les choses dans le lieu qui leur revient en n'en parlant pas.
Extrait d'une lettre à Ludwig von Fickere (1880-1967)
Source : Visages de Wittgenstein, sous la direction de Renée Bouveresse

"... et tout ce que l'on sait, qu'on n'a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots" Ferdinand Kürnberger (1821-1879)
Extrait du TLP (Citation mise en exergue)

Ce livre ne sera peut-être compris que par qui aura déjà pensé lui-même les pensées qui s'y trouvent exprimées - ou du moins des pensées semblables  Ce n'est donc point un ouvrage d'enseignement. Son but serait atteint s'il se trouvait quelqu'un qui, l'ayant lu et compris, en retirerait du plaisir.
Le livre trait des problèmes philosophiques, et montre - à ce que je crois - que leur formulation repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue. On pourrait résumer en quelque sorte tout le sens du livre en ces termes : tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Le livre tracera donc une frontière à l'acte de penser, - ou plutôt non pas à l'acte de penser, mais à l'expression des pensées : car pour tracer une frontière à l'acte de penser, nous devrions pouvoir penser les deux côtés de cette frontière (nous devrions donc pouvoir penser ce qui ne se laisse pas penser).
La frontière ne pourra donc être tracée que dans la langue, et ce qui est au-delà de cette frontière sera simplement dépourvu de sens.
Jusqu'à quel point mes efforts coïncident avec ceux d'autres philosophes, je n'en veux pas juger. En vérité, ce que j'ai ici écrit n'élève dans son détail absolument aucune prétention à la nouveauté; et c'est pourquoi je ne donne pas non plus de sources, car il m'est indifférent que ce que j'ai pensé, un autre l'ait déjà pensé avant moi.
Je veux seulement mentionner qu'aux oeuvres grandioses de Frege et aux travaux de mon ami M. Bertrand Russell je dois pour une grande part, la stimulation de mes pensées.
Si ce travail a quelque valeur, elle consiste en deux choses distinctes. Premièrement, en ceci, que des pensées y sont exprimées, et cette valeur sera d'autant plus grande que les pensées sont mieux exprimées. D'autant mieux on aura frappé sur la tête du clou.  Je suis conscient, sur ce point, d’être resté bien en deçà du possible. Simplement parce que mes forces sont trop modiques pour dominer la tâche. Puissent d'autres à venir qui feront mieux.
Néanmoins, la vérité des pensées ici communiquées me semble intangible et définitive. Mon opinion est donc que j'ai, pour l'essentiel, résolu les problèmes de manière décisive. Et si en cela je ne me trompe pas, la valeur de ce travail consiste alors, en second lieu, en ceci, qu'il montre combien peu a été fait quand ces problèmes ont été résolus.
Extrait du TLP (Avant-propos, Vienne, 1918).
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La pensée en arborescence du TLP


Les décimaux qui numérotent chaque proposition indiquent le poids logique des propositions, leur relief dans ma représentation. Les propositions n.1, n.2, n.3, etc., sont des remarques à la proposition n ; les propositions n.m1, n.m2, etc., des remarques à la proposition n.m. ; et ainsi de suite.
Extrait du TLP (Première et seule note en bas de page).
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Titre, forme et fond sont de nature paradoxal. Le titre a été proposé par G.E. Moore lors de la première traduction anglaise, et fait référence au Tractatus-Theologico-Politicus de Baruch Spinoza. La forme se déploie comme un arbre, plusieurs branche partent du tronc, des sous-branches des branches, et ainsi de suite jusqu'aux feuilles. Le fond traite des rapports (non encore explorés à l'époque) entre la logique et le langage.

Au moins deux possibilités s'offrent au lecteur, l'une consiste à lire les propositions à la suite (lecture continue ou linéaire), par exemple la proposition 7 sera lue après la 6.54, l'autre à les lire selon leur "poids logique"  (lecture en arborescence), la 7 sera lue après la 6. On pourra aussi combiner les approches, et revenir à la proposition qui vient de faire l'objet d'une explicitation, en la relisant ou en se la remémorant, avant de poursuivre sa lecture.

* * *

Lecture en arborescence (début du TLP) :

Du tronc surgit 7 branches - ou 7 propositions de premier niveau  :
1.    Le monde est tout ce qui a lieu.
2.    Ce qui a lieu, le fait, est l'existence d'états de choses.
3.    L'image logique des faits est la pensée.
4.    La pensée est la proposition pourvue de sens.
5.    La proposition est une fonction de vérité des propositions élémentaires.
       (La proposition élémentaire est une fonction de vérité d'elle-même.)
6.    La forme générale de la fonction de vérité est :
       C'est la forme générale de la proposition.
7.    Sur ce dont on ne peut parler, il faut se garder le silence.

Seule la dernière proposition ne fera pas l'objet d'un développement (et pour cause).
Les six premières comportent plusieurs noeuds d'où prennent naissance de nouvelles branches - ou propositions de second niveau (pour expliquer les premières) :
1.    Le monde est tout ce qui a lieu
   1.1.   Le monde est la totalité des faits, non des choses.
   1.2.   Le monde se décompose en faits.
2.    Ce qui a lieu, le fait, est l'existence d'états de choses.
   2.1.   Nous nous faisons des images des faits.
   2.2.   L'image a en commun avec le représenté la forme logique de la figuration.
(...)

Idem apparaissent des propositions de troisième niveau (pour expliquer celle de deuxième niveau) :
1.    Le monde est tout ce qui a lieu.
   1.1.   Le monde est la totalité des faits, non des choses.
      1.11    Le monde est déterminé par les faits, et par cela qu’ils sont tous les faits.
      1.12    Car l’ensemble des faits détermine ce qui est le cas et aussi tout ce qui n’est pas le cas.
      1.13    Les faits dans l’espace logique sont le monde.
   1.2.   Le monde se décompose en faits.
      1.21    Une chose peut être le cas ou ne pas être le cas, et tout le reste demeurer égal.
(...)

Et ainsi de suite jusqu'à obtenir des propositions de sixième niveau, dernières pousses de l'arbre ou "propositions-feuilles" issues des dernières "propositions-branches" (2.01231, 2.02331, 2.15121, 4.12721, 5.47321, 6.36111, 6.36311).


Exemple visuelle d'une ramification, celle de la proposition 5 :

         

Source : Bazocchi (PDF)

* * *

Lecture discontinue, ou de branche en branche, (avec quelques propositions à portée "mystique") :

La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais dépourvues de sens. Nous ne pouvons donc en aucune façon répondre à de telles questions, mais seulement établir leur non-sens. La plupart des propositions et questions philosophiques découlent de notre incompréhension de la logique de la langue. (...)
Et ce n'est pas merveille si les problèmes les plus profonds, ne sont, à proprement parler, pas des problèmes.  (4.003)
Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées.
La philosophie n'est pas une théorie mais une activité.
Une oeuvre philosophique se compose essentiellement d'éclaircissements.
Le résultat de la philosophie n'est pas de produire des "propositions philosophiques", mais de rendre claires les propositions.
La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses. (4.112 )
Elle doit marquer les frontière du pensable, et partant de l'impensable.
Elle doit délimiter l'impensable de l'intérieur par le moyen du pensable. (4.114)
Elle signifiera l'indicible en figurant le dicible dans sa clarté. (4.115)

La proposition peut figurer la totalité de la réalité, mais elle ne peut figurer ce qu'elle doit avoir de commun avec la réalité pour pouvoir figurer celle-ci : la forme logique.
Pour pouvoir figurer la forme logique, il faudrait que nous puissions, avec la proposition, nous placer en dehors de la logique, c'est-à-dire en dehors du monde. (4.12)

(...) Ce qui s'exprime dans le langage, nous ne pouvons l'exprimer par le langage.
La proposition montre la forme logique de la réalité. Elle l'indique. (4.121)
Ce qui peut être montré ne peut être dit. (4.1212)

Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde. (5.6)
Le sujet n'appartient pas au monde, il est une limite du monde. (5.632)
Il y a donc réellement un sens selon lequel il peut être question en philosophie d'un je, non psychologiquement.
Le je fait son entrée dans la philosophie grâce à ceci : que "le monde est mon monde".
Le je philosophique, n'est ni l'être humain, ni le corps humain, ni l'âme humaine dont s'occupe la psychologie, mais c'est le sujet métaphysique, qui est frontière - et non partie - du monde. (5.641)

Les propositions de la logique sont des tautologies. (6.1)
Les propositions de la logique ne disent dont rien. (Ce sont les propositions analytiques). (6.11)
La logique n'est point une théorie, mais une image qui reflète le monde.
La logique est transcendantale. (6.13)
Que le soleil se lèvera demain est une hypothèse, et cela veut dire que nous ne savons pas s'il se lèvera (6.36311)
Rien ne contraint quelque chose à arriver du fait qu'autre chose soit arrivé. Il n'est de nécessité que logique. (6.37)
Toute les propositions sont d'égales valeurs. (6.4)

Il est clair que l'éthique ne se laisse pas énoncer.
L'éthique est transcendantale. (Ethique et esthétique sont une seule et même chose.) (6.421)
La mort n'est pas un événement de la vie. On ne vit pas la mort.
Si l'on entend par éternité non la durée infinie mais l'intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent.
Notre vie n'a pas de fin, comme notre champ de vision est sans frontière. (6.4311)



* * *

Lecture continue ou linéaire (fin du TLP avec les propositions les plus étonnantes) :

6.44  Ce n'est pas comment est le monde qui est le mystique, mais qu'il soit.
6.45  La saisie du monde sub specia aeterni est sa saisie comme totalité bornée.
le sentiment du monde comme totalité bornée est le mystique.
6.5  D'une réponse qu’on ne peut formuler, on ne peut non plus formuler la question.
Il n’y a pas d'énigme.
Si une question peut de quelque manière être posée, elle peut aussi recevoir une réponse.
6.51  Le scepticisme n’est pas irréfutable, mais évidemment dépourvu de sens, quand il veut élever un doute là où l’on ne peut poser de questions. Car le doute ne peut subsister que là où subsiste une question ; une question, seulement là où subsiste une réponse; et celle-ci seulement là où quelque chose peut être dit.
6.52  Nous sentons que, à supposer même que toutes les questions scientifiques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts. A vrai dire, il ne reste plus alors aucune question, et cela même est la réponse.
6.521  La solution du problème de la vie, on la perçoit à la disparition de ce problème.
(N’est-ce pas la raison pour laquelle les hommes qui, après avoir longuement douté, ont trouvé la claire vision du sens de la vie, ceux-là n'on pu dire alors en quoi ce sens consistait ?)
6.522  Il y a assurément de l’indicible. Il se montre, c’est le mystique.
6.53  La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les proposition de la science de la nature - quelque chose qui, par conséquent, n'a rien à faire avec la philosophie -, puis quand quelqu'un d'autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontre toujours qu'il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre - qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie - mais ce serait la seule strictement correcte.
6.54  Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen - en passant sur elles - il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté).
Il lui fait dépasser ces propositions pour voir correctement le monde.
7  Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Extrait du TLP
Commande sur Amazon :  Tractatus logico-philosophicus


 * * *


Lectures de Wittgenstein avec Christiane Chauviré :



Wittgenstein, Le devoir de génie 1/4. De la vie à l'oeuvre :



2/4 Le Tractatus Logico-philosophicus :



3/4 Les Recherches philosophiques, voir : Ludwig Wittgenstein 2.0
4/4 De la certitude, voir : Ludwig Wittgenstein 3.0

Conférence avec Elise Marrou (2008) : BNF

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