samedi 7 mars 2015

Lanceurs d’alerte: traîtres ou héros ?



Lanceurs d’alerte: traîtres ou héros ? (RTS, Faut pas croire, (1 mars 2015)

Julian Assange, Edward Snowden, Bradley Manning: des hommes haïs et vénérés, jugés comme des traîtres par leur pays pour avoir révélé l’inavouable. Les plus célèbres lanceurs d’alerte ne sont que la pointe de l’iceberg d’une multitude d’employés qui décident, un jour, d’écouter leur conscience plutôt que leur hiérarchie.
En révélant au public ce que leur entreprise veut cacher, ils s’exposent à un changement de vie radical. Quelles sont leurs motivations? Sont-ils les héros de la démocratie ou les traîtres de leur entreprise? Comment vivent-ils l’après, lorsque les révélations ont bouleversé leur quotidien?
Avec :
Myret Zaki, rédactrice en chef du magazine Bilan,
Philippe Fleury, responsable du secteur forensique, KPMG, et, en duplex de Paris,
Stéphanie Gibaud, lanceuse d’alerte, ancienne employée d’UBS.


Dénonciateurs : bénis, hués ?
Par Myret Zaki, le 6 mars 2015

L’émission Faut pas croire de la Télévision suisse romande, diffusée ce 1er mars, portait sur le thème: «Lanceurs d’alerte, traîtres ou héros?» On m’a interrogée s’il fallait croire aux motivations sincères des «dénonciateurs éthiques» dits «lanceurs d’alerte».
Pour répondre, il faut les distinguer en fonction de quels intérêts ils servent, ou desservent. Le traitement des lanceurs d’alerte varie en effet selon qu’ils servent, ou desservent, des Etats forts.
D’un côté, il y a les Falciani, Birkenfeld et Kieber, dénonciateurs de l’évasion fiscale en Suisse et au Liechtenstein, et amis des Etats forts (France, Etats-Unis, Allemagne) dont ils ont servi les intérêts.
De l’autre, il y a les Assange, Snowden et Manning, dénonciateurs des dérives des gouvernements puissants. Fugitifs, craignant pour leur vie, ou emprisonnés, ces dénonciateurs-là paient le prix fort.

Deux destins très différents
Dans la catégorie des amis de gouvernements puissants, on constate qu’ils bénéficient d’une image médiatique favorable, qu’ils tentent systématiquement de monnayer leurs informations, et obtiennent la protection de ceux qui les ont utilisés. Avant Hervé Falciani et Bradley Birkenfeld, Heinrich Kieber avait été le premier homme qui, en facturant aux services secrets allemands ses listings confidentiels d’une banque du Liechtenstein, avait obtenu 4,2 millions d’euros, ainsi qu’un changement d’identité.
Cette somme a été, depuis, largement détrônée par les 104 millions obtenus des Etats-Unis par Bradley Birkenfeld. Le fait que ce dernier ait fortement endommagé la réputation d’une place financière concurrente, la Suisse, n’y est pas étranger. Grâce à lui, les avocats américains sont les spécialistes indisputés des techniques de défiscalisation.

La «dénonciation éthique» en matière d’évasion fiscale a ceci de curieux qu’elle ne se retourne que contre la Suisse, pendant que l’essentiel des avoirs non déclarés reste dissimulé dans les centres anglo-saxons.
Comme Birkenfeld, Stéphanie Gibaud, ex-salariée d’UBS France, se présente comme dénonciatrice éthique. Début 2014, elle publie La femme qui en savait vraiment trop, alors qu’UBS était déjà sous enquête depuis un an pour démarchage illicite en France. Réclamant 18 ans de salaire à son ex-employeur, soit plusieurs millions, elle s’associe à Falciani pour demander de l’argent à l’Etat français, pour "services rendus à la République", selon nos sources (!).

Dans la catégorie des mal aimés des Etats, comme Julian Assange, Edward Snowden et Bradley Manning, il en va tout autrement. Ceux-ci n’ont pas réclamé d’argent. Fugitifs dans les deux premiers cas, jugé en cour martiale et emprisonné 35 ans pour le troisième, ceux-là ont risqué leur vie en dénonçant les secrets diplomatiques et l’espionnage abusif de pays puissants.
Ils avaient desservi des intérêts nationaux, mais œuvré pour l’intérêt du monde. Pourtant, leur vie rappelle davantage celle d’un Roberto Saviano, «lanceur d’alerte» au sujet de la mafia italienne, vivant reclus et entouré de neuf gardes du corps, ou celle d’un opposant russe empoisonné au polonium que celle des whistleblowers bancaires. Ces dénonciateurs politiques n’ont pas autant de sympathie médiatique, les médias oscillant entre louanges et opprobre.

Au final, le même gouvernement qui a versé 104 millions à Birkenfeld, encourageant ce type d’initiative, a emprisonné 35 ans Manning, décourageant ce type d’initiative. Le traitement des lanceurs d’alerte en dit bien plus long sur les intérêts nationaux que sur la bonne santé de nos démocraties.
Source : Bilan

* * *

Secret des affaires : agissons pour la protection des lanceurs d'alerte !
Le 3 mars 2015 - La Quadrature du net

Fin avril 2015, la directive « secret des affaires » sera débattue au Parlement européen. Après avoir cédé à la pression des journalistes pour retirer l'article correspondant de la loi Macron, La Quadrature du Net, Pila, et de nombreuses autres organisations appellent le président François Hollande et les élus européens à défendre les lanceurs d'alerte, à définir et protéger leur statut, et à assurer les moyens nécessaires à un réel suivi judiciaire des crimes et délits révélés. La situation souvent dramatique des lanceurs d'alertes, tels Edward Snowden ou Chelsea Manning, doit être protégée et sécurisée pour la sauvegarde des libertés fondamentales.

Le 30 janvier dernier, devant la forte mobilisation des journalistes français, François Hollande demandait le retrait de l'article sur le secret des affaires de la loi Macron. Malgré cette victoire pour la liberté d'informer et de dénoncer les agissements illégaux de sociétés privées, les lanceurs d'alerte restent menacés. En effet, une directive européenne sera débattue fin avril au Parlement européen, dont le texte actuel criminalise l'atteinte au secret des affaires en Europe, sans protection effective des lanceurs d'alertes. Afin d'alerter sur les dangers pesant sur la liberté d'informer, La Quadrature du Net cosigne aujourd'hui une tribune dans Libération et une lettre ouverte envoyée au Président de la République française.

En mai 2008 et février 2011, Wikileaks faisait fuiter dans la presse les versions en négociation de l'accord ACTA, dénoncé par La Quadrature du Net jusqu'à son rejet éclatant au Parlement européen en juillet 2012. En juillet 2013, Edward Snowden, travaillant pour la NSA, quittait les États-Unis pour se réfugier à Hong-Kong et confier aux journalistes Glenn Greenwald et Laura Poitras des milliers de documents prouvant l'espionnage de masse des communications, y compris de leurs propres citoyens, par les États-Unis et ses alliés. Malgré leurs apports capitaux au débat démocratique et la révélation de scandales majeurs, Julian Assange, Chelsea Manning, Edward Snowden et bien d'autres lanceurs d'alerte ont été et continuent d'être persécutés pour leurs actions. Dramatiquement, le projet de directive qui sera discuté fin avril au Parlement européen pourrait encore aggraver les risques pesant sur les citoyens permettant la publication de ces informations indispensables. Celui-ci prévoit en effet de lourdes sanctions contre les personnes portant atteinte au secret des affaires, mais sans définir précisément un statut particulier de lanceur d'alerte permettant non seulement de les protéger, mais aussi de les soutenir.

« Grâce aux révélations d'Edward Snowden sur la surveillance des communications, à celles de Swissleaks sur l'abus du secret bancaire, ou encore de Luxleaks sur les arrangements des grandes sociétés avec l'impôt en Europe, l'Union européenne découvre l'importance des lanceurs d'alerte et de la possibilité de dénoncer les crimes, délits et absences de limites morales des sociétés privées et structures publiques. Il est inadmissible que ces mêmes lanceurs d'alertes soient menacés de sanctions par les membres du Parlement européen au nom de la protection d'intérêts privés ! Au contraire, il est urgent de contribuer à leur protection et d'enfin mettre en place de réelles procédures d'investigation une fois ces crimes et délits révélés au public » s'indigne Benjamin Sonntag, co-fondateur de La Quadrature du Net.
Lire la tribune commune sur Libération : Fragile droit d'alerte
Source : La quadrature du net

  

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