vendredi 3 juillet 2015

ΟΧΙ ! ΝΟΝ !



Allocution télévisée d'Alexis Tsipras (Athènes, le 1er juillet 2015) (* transcript en fin de
page)


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CRISES et Dévoilement
Par Jacques Sapir, le 3 juillet 2015

Nul ne peut prévoir le résultat du référendum qui se tiendra en Grèce le 5 juillet prochain. Les électeurs grecs sont soumis à une pression tant économique que médiatique sans précédents pour les convaincre de voter « oui ». Les exemples ici abondent, depuis les déclarations des hiérarques de l’Union européenne (les Juncker, Schulz et autres) jusqu’aux pressions faites par les entreprises grecques, en passant bien entendu par la pression la plus importante, et la plus significative, celle de la Banque Centrale européenne qui a coupé l’accès au compte Target2 des entreprises grecques, les empêchant de commercer avec l’étranger. On est en train d’étrangler la Grèce, en la privant de liquidités, et ce au moment même ou le FMI reconnaît le bien-fondé des positions défendues par le gouvernement d’Alexis Tsipras. L’ampleur de l’ingérence européenne est sans égale ; elle constitue un scandale inouï et un déni de démocratie immense. Elle jette un doute sur l’honnêteté du résultat si le « oui » devait l’emporter.

Mais, ce référendum a permis en quelques jours d’opérer un dévoilement important de l’attitude tant de l’Eurogroupe que de l’Union européenne. Ce dévoilement de la nature réelle des institutions européennes est un fait important pour l’ensemble des peuples qui vivent sous ce qu’il nous faut bien aujourd’hui appeler la coupe de l’UE. Il faut donc ici faire le bilan de ce que nous avons appris à la fois dans les mois qui nous séparent de l’élection de janvier dernier et surtout dans les jours qui ont suivi l’annonce du référendum.

La position, tant de l’Eurogroupe que de la Commission européenne, ou du Conseil européen, vis-à-vis du gouvernement grec n’a nullement été fondée sur un constat économique mais elle a toujours procédé d’un parti-pris politique. En effet, il était clair que les demandes de restructurations que le gouvernement grec a présenté sans relâche depuis le mois de février dernier de la dette étaient fondées. De nombreux économistes l’ont écrit[1]. Même le FMI l’a récemment reconnu[2]. Il est aujourd’hui évident que cette restructuration devra avoir lieu, et que le plus tôt sera le mieux. Les rejets multiples et répétés de ces propositions par l’Eurogroupe n’ont eu pour seul objectif que d’aboutir soit à la capitulation du gouvernement grec soit à sa démission. La déclaration de Martin Schulz, Président du Parlement européen le confirme[3]. Il est donc désormais bien établi que les institutions européennes n’ont eu de cesse que d’obtenir le départ d’un gouvernement démocratiquement élu. Ceci en dit long sur la notion de « démocratie » dont on se gargarise tant à Bruxelles qu’à Strasbourg. Ces « institutions » ont donc mené une guerre sans relâche contre le gouvernement grec, n’hésitant devant aucune manœuvre pour le déstabiliser. On en a eu une confirmation avec les méthodes odieuses qui sont utilisées contre lui depuis qu’il a décidé de recourir au référendum.

L’Eurogroupe, qui est l’instance assurant le pilotage de l’Union Economique et Monétaire, que l’on appelle la « zone Euro » n’a pas hésité à violer les règles tacites de fonctionnement établies depuis maintenant des décennies que ce soit du temps du « Marché Commun » ou de celui de l’Union européenne. En décidant de tenir une réunion dont le ministre Grec, M. Varoufakis, serait exclu, l’Eurogroupe, et en particulier son Président M. Dijssenbloem ne se sont pas seulement comportés de manière illégale, mais surtout de manière contraire aux principes qui sont censés être respectés entre les différents pays de l’UE. Il s’agit, ici encore, d’un abus de pouvoir inouï. Il n’a de parallèle que la décision de la Banque Centrale Européenne de couper les comptes Target2 (ou système électronique de transferts intra-zone) des entreprises grecques, organisant une pénurie artificielle de liquidités en Grèce, pénurie qui pèse de manière dramatique sur la situation de la population et qui compromet la tenue du référendum. C’est la première fois que, dans l’Histoire, une Banque Centrale organise une crise financière au sein de la zone dont elle a la responsabilité, non par incompétence mais à dessein. A nouveau, nous sommes confrontés à un abus de pouvoir inouï. Cet abus de pouvoir signifie en réalité que, sans le dire, la BCE a exclu la Grèce de la zone Euro. Si tel n’était pas le cas, la BCE aurait dû continuer à respecter les comptes Target2 des entreprises. Cela signifie que tant l’Eurogroupe que la BCE ne respectent pas la souveraineté de la nation grecque. Nous sommes revenus à la situation des années 1960 quand Leonid Brejnev affirmait la doctrine de « souveraineté limitée » des pays de l’Est vis-à-vis de l’Union soviétique. Ce qu’on fait l’Eurogroupe et la BCE est l’équivalent financier de l’intervention soviétique à Prague en août 1968. Nous sommes donc bien confronté à une tyrannie. Il faut en mesurer soigneusement toutes les conséquences.

On peut en déduire que l’Euro n’est pas une monnaie, ni même un projet économique, mais qu’il est un mode de gouvernement qui vise à imposer les règles du néo-libéralisme contre l’avis des peuples. Telle est la conclusion logique des dénis de démocratie que l’on a décrits et que le gouvernement grec, avec beaucoup de courage et un grand discernement, ont permis de dévoiler. Le maintien de l’Euro ne se justifie pas par des arguments économiques, mais essentiellement par la volonté politique de domination qui aujourd’hui s’incarne dans l’Allemagne, mais qui s’étend, que l’on parle ici de « collaboration » ou de « syndrome de Stockholm » n’a que peu d’importance, aux élites politiques de l’Espagne, de la France et de l’Italie. De ce point de vue, l’absence de politique française, ou plus précisément la servilité compassionnelle dont elle fait preuve face à l’Allemagne sur la question de la Grèce est des plus instructives. On ne peut que s’indigner de la passivité du Ministre des Finances, M. Michel Sapin quand, le samedi 27 juin, M. Varoufakis a été exclu de la réunion de l’Eurogroupe. Mais reconnaissons que cette passivité est dans la logique de l’attitude française depuis le début. Rappelons ici qu’avant son élection M. Alexis Tsipras n’avait pas été reçu par les membres du gouvernement et du P « S »…

Ces comportements signifient la fin des illusions en ce qui concerne la possibilité d’aboutir à un « autre Euro » ou de « changer l’UE ». Il faut sur ce point être très clair. De nombreuses forces se sont bercées d’illusions sur ce point, que ce soit en Grèce, et c’est l’une des contradictions de Syriza, ou en France, avec l’attitude du PCF et du Parti de Gauche. Toute bataille menée de l’intérieur du système est appelée à rencontrer des obstacles tellement formidables que l’on peut douter de son succès. James Galbraith, après beaucoup d’autres, a écrit que seul le vote « non » au référendum du 5 juillet pourrait encore sauver l’Euro[4]. Ce qui est sûr est que, paradoxalement, le « oui » va accélérer la fin de l’Euro en mettant au jour la nature réelle de la zone Euro. Le voile de la soi-disant « rationalité » économique désormais déchiré, réduit à un mécanisme de domination, l’Euro se révèle dans sa nature la plus odieuse[5]. Vouloir « changer » l’Euro n’est plus aujourd’hui une simple erreur ; cela devient au vu de l’action de la zone Euro envers la Grèce une stupidité criminelle. Il faudra d’urgence que les différents partis qui ont joué avec cette idée se mettent rapidement au clair sur cette question ou qu’ils assument de n’être que l’aile compassionnelle de la tyrannie européiste.

Les erreurs stratégiques de Syriza pèsent alors lourd, même si la manière dont la négociation a été menée est digne d’éloge. Il convient de s’inspirer du combat mené mais de ne pas en répéter les erreurs. Ne s’étant jamais mis au clair sur cette question, le gouvernement grec n’a pu apporter au coup d’Etat financier organisé par Bruxelles qu’une réponse bien incomplète. A partir du moment où la clôture des comptes Target2 des entreprises grecques était constatée il devait réquisitionner la Banque Centrale de Grèce pour que le pays ne se trouve pas à court de liquidité, ou émettre des certificats de paiement (garantis par le Ministère des finances). On rétorquera que cela aurait été interprété par l’Eurogroupe comme une rupture définitive. Mais l’action de la BCE était bien l’équivalent de cette rupture. Il n’est aujourd’hui pas dit que le « oui » l’emporte. Mais, s’il devait l’emporter, ce serait bien parce que le gouvernement grec n’a pas voulu aller jusqu’au bout de la logique dans sa lutte pour la démocratie.

Les leçons que l’on doit tirer de ce qui se passe actuellement en Grèce, que ce soit en France ou ailleurs, sont extrêmement importantes. Un gouvernement qui entrerait en conflit avec l’Eurogroupe et avec l’UE sait désormais à quoi s’attendre. Les risques de déstabilisation de la société sont immenses dès lors que l’arme financière est utilisée sans restriction par la BCE. Devant ces risques, du moins en France, nous avons une procédure d’exception qui est prévue par la constitution : c’est l’article 16. Le précédent de la Grèce montre que les pressions financières peuvent empêcher un fonctionnement normal des institutions. Le pouvoir exécutif serait alors en droit d’user de l’article 16 pour gouverner par décret dans la période de crise et pour répliquer, du tac au tac, aux actions venant de Bruxelles et de Francfort.

[1] Voir Stiglitz J, « Europe’s attack on Greek democracy », le 29 juin 2015, http://www.project-syndicate.org/commentary/greece-referendum-troika-eurozone-by-joseph-e–stiglitz-2015-06
[2] Voir The Guardian du 2 juillet, http://www.theguardian.com/business/2015/jul/02/imf-greece-needs-extra-50bn-euros?CMP=share_btn_tw
[3] « Un gouvernement de technocrates pour en finir avec l’ère Syriza », déclaration de Martin Schulz, 2 juillet 2015, http://fr.sputniknews.com/international/20150702/1016824871.html
[4] Galbraith J., « Greece: Only the ‘No’ Can Save the Euro », 1er juillet 2015, http://www.prospect.org/article/greece-only-no-can-save-euro
[5] Lordon F., La Malfaçon, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2014

Source : RussEurope




La Grèce au bord du précipice
Par Paul Krugman, le 3 juillet 2015 - RTBF

Cela fait déjà quelques temps qu’il apparaît évident que la création de l’euro fut une terrible erreur. L’Europe n’a jamais eu les conditions requises pour la mise en place avec succès d’une monnaie unique – notamment le genre d’union bancaire et fiscale qui, par exemple, fait en sorte que lorsqu’une bulle immobilière éclate en Floride, Washington protège automatiquement ses concitoyens les plus âgés contre toute menace envers leur protection de santé ou leurs économies bancaires.

Par contre, quitter une union monétaire est une tâche bien plus ardue et plus effrayante que la décision de ne jamais la rejoindre et jusqu’à aujourd’hui, même les économies les plus troublées du Vieux Contient se sont éloignées encore et encore de ce précipice. Les gouvernements se sont soumis, encore et encore, aux exigences des créditeurs pour une austérité toujours plus sévère, alors que la Banque Centrale Européenne a réussi à contenir la panique des marchés. Mais la situation en Grèce a atteint aujourd’hui ce qui semble être un point de non-retour. Les banques sont fermées momentanément et le gouvernement a imposé des contrôles sur les capitaux – des limites sur les sorties de capitaux du pays. Il semble très probable que le gouvernement devra bientôt payer des pensions de retraites et des salaires en mandats, créant ainsi une monnaie parallèle. Et la semaine prochaine il y aura un référendum dans le pays pour savoir s’il faut accepter les exigences de la “troïka” – c’est-à-dire les institutions qui représentent les intérêts des créditeurs – pour encore plus d’austérité.

La Grèce devrait voter non et le gouvernement grec devrait être prêt, si nécessaire, à quitter l’euro.
Afin de comprendre pourquoi je dis ça, il vous faut vous rendre compte que la plupart – pas toutes mais la majorité – des choses que vous avez entendues à propos d’une Grèce dépensière et irresponsable sont fausses. Oui, le gouvernement grec dépensait plus que ce qu’il pouvait se permettre à la fin des années 2000.

Mais il a depuis sabré dans les dépenses de manière répétée et relevé les impôts. Le nombre de fonctionnaires de l’état a chuté de plus de 25 pourcent et les pensions de retraite (qui étaient, en effet, trop généreuses) ont été réduites de manière drastique. Si l’on ajoute à cela toutes les mesures d’austérité, cela est plus que suffisant pour combler les déficits d’origine et les transformer en excédent important.

Pourquoi cela ne s’est-il donc pas produit ? Parce que l’économie grecque s’est effondrée, en grande partie à cause de ces mesures d’austérité, entraînant les revenus dans sa chute.

Et cet effondrement est lui-même largement lié à l’euro, qui a piégé la Grèce dans une camisole de force économique. Les cas d’austérité qui fonctionnent, dans lesquels les pays maîtrisent leurs déficits sans entraîner une dépression, impliquent typiquement des dévaluations importantes de leurs monnaies, ce qui rend leurs exportations plus compétitives. C’est par exemple ce qui s’est passé pour le Canada dans les années 1990 et de manière tout aussi importante, ce qui s’est passé plus récemment en Islande. Mais sans sa propre monnaie, la Grèce n’avait pas cette option.
Est-ce que je viens juste de défendre le “Grexit” – la sortie de la Grèce de l’euro ? Pas forcément. Le problème avec le Grexit a toujours été le risque d’un chaos financier, d’un système bancaire perturbé par des retraits massifs et d’entreprises handicapées à la fois par des problèmes bancaires et par une certaine incertitude quant au statut légal de leurs dettes. Voilà pourquoi les gouvernements successifs en Grèce ont répondu favorablement aux exigences d’austérité et pourquoi même Syriza, la coalition de gauche au pouvoir, était prête à accepter l’austérité qui a déjà été imposée. Dans les faits, tout ce que Syriza demandait, c’était l’arrêt de davantage d’austérité.

Mais la troïka refuse catégoriquement. C’est facile de se perdre dans les détails, mais le point essentiel aujourd’hui c’est que l’on a présenté à la Grèce une offre à prendre ou à laisser, une offre qui est impossible à différencier des mesures en place depuis ces cinq dernières années.

Voilà une offre, et c’était certainement prévu ainsi, qu’Alexis Tsipras, le premier ministre grec, ne peut accepter parce que cela détruirait sa raison d’être politique. Le but est donc de le faire démissionner, ce qui va probablement se produire si les électeurs grecs ont suffisamment peur de la confrontation avec la troïka pour voter oui la semaine prochaine.

Mais ils ne devraient pas, et ce pour trois raisons. La première, c’est que nous savons qu’une austérité toujours plus dure est une impasse : après cinq ans ainsi, la Grèce va plus mal que jamais. La deuxième, c’est qu’une grande partie, et peut-être la partie la plus importante du chaos qui serait engendré par le Grexit s’est déjà produite. Avec la fermeture des banques et le fait que l’on impose des contrôles sur les capitaux, on ne peut pas faire beaucoup plus de dommages.

Enfin, céder à l’ultimatum de la troïka serait l’abandon ultime de toute idée d’une soi-disant indépendance de la Grèce. Ne vous laissez pas prendre par des affirmations selon lesquelles les responsables de la troïka ne sont que des technocrates expliquant aux grecs ignorants ce qui doit être fait. Ces soi-disant technocrates sont en fait des fantaisistes qui ont ignoré sciemment tout ce que nous connaissons de la macro économie et qui se sont trompés à toutes les étapes. Il ne s’agit pas d’analyse mais de pouvoir – le pouvoir des créditeurs de mettre à genoux l’économie grecque, qui perdurera tant qu’une sortie de l’euro est envisagée comme impensable.

Il est donc temps de mettre un terme à cette “impensabilité“. Sinon la Grèce se retrouvera face à une austérité sans fin, et une dépression infinie.

Source : RTBF

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Des experts de l’ONU saluent le référendum grec et appellent à la solidarité internationale
2 juillet

Genève 30 juin 2015- Deux experts des Nations Unies en matière de droits humains ont salué la tenue de référendum en Grèce pour décider démocratiquement de la voie à suivre pour résoudre la crise économique grecque sans détériorer davantage la situation des droits humains.

Les experts indépendants pour la promotion d’un ordre international équitable et démocratique, Alfred de Zayas et pour les droits humains et la solidarité internationale, Virginia Dandan, ont souligné qu’il y a bien plus en jeu que les obligations de remboursement de la dette faisant écho à un précédent avertissement au cours du mois de juin de l’expert indépendant de l’ONU sur la dette externe et les droits humains, Juan Pablo Bohoslavsky,

« Toutes les institutions et mécanismes de protection des droits humains devraient saluer le référendum grec en tant qu’expression éloquente de l’auto-détermination du peuple grec conformément aux articles 1 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En effet, un ordre international démocratique et équitable requiert la participation de toutes les parties au processus de décision et le respect dudit processus qui peut être atteint au travers de la solidarité internationale et de l’approche des droits humains comme solution à tous les problèmes y compris les crises financières.

Il est décevant que le FMI et l’Union européenne refusent d’accepter une solution qui n’implique pas des mesures régressives supplémentaires. Certains dirigeants ont exprimé leur mécontentement à l’annonce de la tenue d’un référendum en Grèce. Pourquoi ? Les référendums sont pourtant la quintessence d’une gouvernance démocratique.

Personne ne peut attendre du Premier ministre grec qu’il renonce aux engagements donné à son peuple qui l’a élu avec un mandat clair de négocier une solution juste qui ne porte pas davantage préjudice à la démocratie grecque et qui entraîne l’accroissement du chômage et de la misère sociale. La capitulation face à un ultimatum qui impose encore davantage d’austérité réduirait à néant la confiance démocratique de l’électorat dans son Premier ministre. Chaque État a le devoir de protéger le bien-être de la population qui se trouve sous sa juridiction. Les acteurs extérieurs, qu’ils soient des États, des organisations internationales ou des créanciers ne peuvent intervenir dans ce qui est du ressort de la souveraineté fiscale et budgétaire et de la régulation territoriale d’un État.

L’article 103 de la Charte des Nations Unies stipule que les dispositions de la Charte prévalent sur n’importe quel autre Traité, d’où il découle qu’aucun traité ou accord de prêt ne peut nier la souveraineté de l’État. Tout accord entraînant une telle violation des droits humains et du droit international coutumier est contra bonos mores (allant à l’encontre de la morale) et donc considéré comme nul et non avenu suivant l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités.

Un ordre international démocratique et équitable requiert un régime commercial et financier qui permette la réalisation de tous les droits humains. Les organisations intergouvernementales doivent favoriser et en aucun cas faire obstacle à la pleine réalisation des droits humains.

La dette externe n’est nullement une excuse pour déroger aux droits humains ou pour provoquer une régression sociale violant les articles 2 et 5 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels.

En 2013, l’expert indépendant sur la dette et les droits humains a déclaré que les mesures d’austérité adoptées en vue de recevoir des financements supplémentaires du FMI, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne ont conduit l’économie grecque à la récession et ont compromis la jouissance des droits humains et tout particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels.

Le moment est venu pour la communauté internationale de démontrer sa solidarité avec le peuple grec, pour respecter sa volonté démocratique exprimée dans un référendum, pour l’aider activement à surmonter la crise financière qui trouve son origine dans l’effondrement financier de 2007-2008 dans lequel la Grèce n’a aucune responsabilité.

La démocratie implique en effet l’auto-détermination des peuple, auto-détermination qui appelle souvent à des référendums comme c’est également le cas en Grèce  ».

Les experts indépendants font partie de ce qui est connu comme Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le nom Procédures Spéciales désigne le Conseil indépendant de recherche et surveillance en charge des situations spécifiques à des pays ou des questions thématiques globales. Il s’agit du plus vaste organe d’experts indépendants du système des Nations Unies. Ils ne sont pas membres du personnel de l’ONU mais travaillent de manière volontaire et non rémunérée. Ils/elles sont indépendant-e-s de tout gouvernement ou organisation et sont reconnu-e-s dans leur capacité individuelle.

Traduction : Virginie de Romanet

Lire la déclaration de l’Expert indépendant en charge de la question de la dette externe en lien avec les droits humains (2 juin 2015) - – “Greek crisis : Human rights should not stop at doors of international institutions, says UN expert” : http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/...

Voir le rapport 2014 sur la Grèce de l’expert indépendant sur la dette externe(A/HRC/25/50/Add.1) : http://www.ohchr.org/EN/Issues/Deve...
Alfred de Zayas
Expert indépendant des Nations unies pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable.
www.alfreddezayas.com

Source : CADTM
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Allocution télévisée d'Alexis Tsipras (Athènes, le 1er juillet 2015) - vidéo en haut de page

Grecques, grecs,

Nous nous trouvons aujourd’hui à un tournant de notre histoire, à un moment crucial pour l’avenir de notre pays.

Dimanche, ce n’est pas entre le maintien de notre pays dans l’euro et la sortie de la monnaie unique que nous serons appelés à choisir ― l’appartenance de la Grèce à la zone euro ne peut être contestée par personne ―, mais entre l’acceptation de l’accord proposé par les Institutions et la revendication d’une solution viable ― une revendication renforcée par le verdict des urnes.

Le peuple grec doit savoir que le gouvernement a la ferme intention de parvenir à un accord durable, ouvrant sur l’avenir.

Dès l’annonce de la tenue du référendum, nous avons de fait reçu de meilleures propositions sur la dette et sa nécessaire restructuration que celles que nous avions en mains jusqu’à vendredi. Ces propositions ne sont pas restées lettre morte ; nous avons sans délai adressé aux Institutions nos contre-propositions pour une solution pérenne ; c’est dans ce but que s’est tenue hier une réunion extraordinaire de l’Eurogroupe qui reprendra cet après-midi. Si cette réunion aboutit à un résultat positif, nous ne nous défausserons pas, nous y répondrons sans attendre. Le gouvernement grec demeure en tout état de cause à la table des négociations et y restera jusqu’au bout. Ce gouvernement sera là, lundi, et sortira renforcé de la consultation populaire. Car le verdict du peuple a toujours plus de force que la volonté d’un gouvernement.

Je veux redire que le choix démocratique est au cœur des traditions européennes.

Les peuples européens ont eu recours au référendum à plusieurs moments-clé de leur histoire. Cela a été le cas de la France, notamment, lors du référendum sur la Constitution européenne. Cela a eu lieu en Irlande : le référendum a permis de suspendre l’application du Traité de Lisbonne et a conduit à une renégociation à la faveur de laquelle des termes plus favorables ont été obtenus.

Malheureusement, dans le cas de la Grèce, d’autres poids et d’autres mesures ont été appliqués.

Je n’aurais pour ma part jamais imaginé que l’Europe démocratique refuserait à un peuple le temps et l’espace nécessaires de se prononcer souverainement sur son avenir.

Le leadership exercé par des cercles conservateurs extrêmes a conduit à la décision d’asphyxier les banques grecques, dans un but évident : intimider non seulement le gouvernement mais aussi, désormais, chacun des citoyens de ce pays.

Dans une Europe de la solidarité et du respect mutuel, il est inacceptable que les banques soient fermées pour la seule et unique raison que le gouvernement a décidé de donner la parole au peuple.

Il est inacceptable que des milliers de personnes âgées ― dont les pensions, malgré l’asphyxie financière, ont cependant pu être versées ― se retrouvent ainsi dans la tourmente.

À ces milliers de citoyens, nous devons une explication.

C’est pour protéger vos retraites que nous nous battons depuis des mois, pour défendre votre droit à une retraite digne de ce nom et non à un vulgaire pourboire.

Les propositions que nous avons été sommés de signer auraient entraîné une réduction drastique des pensions de retraite. C’est la raison pour laquelle nous les avons rejetées et c’est pour cela que nous nous trouvons aujourd’hui en butte à des mesures de rétorsion.

Le gouvernement grec a été confronté à un ultimatum, sommé de mettre en œuvre les mêmes politiques et de faire passer l’ensemble des dispositions du mémorandum en attente d’application, sans le moindre volet concernant la dette et le financement.

Cet ultimatum a été rejeté.

Le moyen le plus évident de sortir de cette voie sans issue était d’en appeler au peuple, car la démocratie ne connaît pas d’impasses.

Et c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Je sais parfaitement qu’en ce moment même les sirènes hurlent à la catastrophe.

Elles vous soumettent au chantage et vous appellent à voter «oui» à toutes les mesures demandées par les créanciers ― des mesures qui ne sont accompagnées d’aucune perspective de sortie de la crise.

Elles vous appellent à dire à votre tour, à l’instar des députés de ces journées parlementaires de sinistre mémoire, «oui» à tout.

Elles vous appellent à vous rallier à eux et à vous faire les complices de la perpétuation des mémorandums.

Le «non», de son côté, n’est pas un simple slogan.

Le «non» est un pas décisif vers un meilleur accord, un accord que nous pourrons signer aussitôt après la consultation de dimanche.

Le «non» reflètera le choix très clair du peuple sur la façon dont il entend vivre dès le jour suivant.

Le «non» ne signifie pas rupture avec l’Europe mais retour à l’Europe des principes.

Voter «non», c’est faire pression en faveur d’un accord économiquement viable qui apportera une solution à la dette au lieu de la faire exploser ; faire pression en faveur d’un accord qui ne sapera pas indéfiniment nos efforts pour redresser la société et l’économie grecques ; faire pression en faveur d’un accord socialement juste transférant sur les possédants les charges qui pesaient jusqu’alors sur les salariés et les retraités.

Un accord qui ramènera à brève échéance le pays sur les marchés internationaux et permettra à la Grèce de s’affranchir du contrôle et de la mise sous tutelle.

Un accord sur des réformes portant un coup définitif à l’enchevêtrement d’intérêts et à la corruption qui alimentent le système politique grec depuis des décennies.

Un accord permettant enfin de répondre à la crise humanitaire, de créer un vaste filet de sûreté pour tous ceux qui se trouvent aujourd’hui en marge, précisément à cause des politiques appliquées dans notre pays au cours de ces longues années de crise.

Grecques, Grecs,

J’ai pleinement conscience des difficultés présentes et je m’engage auprès de vous à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’elles ne durent pas.

Certains s’évertuent à lier le résultat de la consultation de dimanche au maintien de la Grèce dans la zone euro ; ils prétendent même que j’ai le projet secret, si le «non» l’emporte, de sortir le pays de l’Union Européenne. Mais ils mentent de façon délibérée.

Ces mensonges nous ont déjà été servis, par les mêmes, au cours de la période précédente, et ceux qui les propagent rendent aujourd’hui un bien mauvais service au peuple et à l’Europe.

Vous n’ignorez pas que je m’étais porté candidat il y a un an, lors des élections européennes, à la présidence de la Commission. J’avais alors eu l’occasion de dire aux Européens qu’un terme devait être mis aux politiques d’austérité, que les mémorandums ne nous permettraient pas de sortir de la crise, que le programme mis en œuvre en Grèce avait échoué, que l’Europe devait cesser de se comporter de manière antidémocratique.

Quelques mois plus tard, en janvier 2015, cette analyse a été validée par le peuple.

Malheureusement, certains s’obstinent en Europe à refuser de le comprendre, de l’admettre.

Ceux qui veulent une Europe cramponnée à des logiques autoritaires, à des logiques de non-respect de la démocratie, ceux qui veulent que l’Europe ne soit qu’une union superficielle au sein de laquelle le FMI ferait office de liant ne proposent aucune véritable vision pour l’Europe. Ce sont des hommes politiques sans audace, incapables de penser en Européens.

À leurs côtés, l’establishment politique grec, après avoir mis le pays en faillite, projette aujourd’hui d’en rejeter la responsabilité sur nous alors que nous nous efforçons d’arrêter cette marche vers la catastrophe.

Ils rêvent de revenir aux affaires comme s’il ne s’était rien passé. Ils s’y préparaient il y a quelques jours encore, croyant que nous accepterions l’ultimatum, et demandaient publiquement la nomination d’un Premier ministre de paille pour l’appliquer ; ils s’y préparent aujourd’hui alors que nous donnons la parole au peuple.

Ils parlent de coup d’État. Mais une consultation démocratique n’est pas un coup d’État ; le coup d’État serait la mise en place d’un gouvernement imposé.

Grecques, Grecs,

Je veux de tout cœur vous remercier de la lucidité et du sang-froid dont vous faites preuve à chaque heure de cette difficile semaine et vous assurer que cette situation ne durera pas longtemps. Elle sera de courte durée. Les salaires et les retraites ne s’évanouiront pas. Les dépôts des citoyens qui ont choisi de ne pas transférer leur argent à l’étranger ne seront pas sacrifiés aux calculs des uns et des autres, ni au chantage.

Je m’engage personnellement à trouver une solution immédiate dès la fin du référendum.

Dans le même temps, je vous appelle à soutenir cet effort de négociation ; je vous appelle à dire «non» à la poursuite de ces mémorandums qui sont en train de détruire l’Europe.

Je vous appelle à répondre par l’affirmative à la perspective d’une solution viable.

À ouvrir une page nouvelle, une page démocratique, pour un meilleur accord.

C’est la responsabilité que nous avons envers nos parents, nos enfants et nous-mêmes, et c’est notre devoir à l’égard de l’Histoire.

Je vous remercie.

Traduit du grec  par Dimitris Alexakispar  pour Mediapart

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