dimanche 5 juillet 2015

OXI ! NON ! (2)


Belle victoire de la démocratie malgré les pressions en tout genre : fermeture des banques, ingérences grossières, et rumeurs les plus folles (taxe de 30% sur les tous les dépôts bancaires, coup d'Etat des militaires, ...)


Le «non» est en tête du scrutin à 61% des voix
Référendum en Grèce Après dépouillement de la moitié des bulletins de vote, le «non» arrive en tête avec 61% des voix, selon le ministère grec de l'Intérieur.
Source (et suite) du texte : TdG  (21h)



Zorbas le Grec, Syrtaki

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Alexis Tsipras parle à son peuple quelques heures avant le référendum (5 juillet 2015) - VOSTFR (activez les sous-titres)


Grèce : un référendum sous la pression de l'asphyxie économique
Par Romaric Godin, le 3 juillet 2015

Le "oui" progresse dans les sondages avant le référendum de dimanche. Une évolution logique au regard de l'accélération de la dégradation économique cette semaine.
Le référendum du dimanche 5 juillet en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin et leur proposition de soutenabilité de la dette va se tenir dans des conditions désastreuses sur le plan économique. Mais ce vote aura lieu dans une situation bien particulière. Le refus de l'Eurogroupe le 27 juin de prolonger le programme d'un mois, comme le demandait Athènes et la décision de la BCE dimanche 28 juin de ne pas relever le plafond des liquidités d'urgence disponibles pour le secteur financier grec, ont conduit à une asphyxie complète de l'économie. Lundi, le gouvernement grec a décidé de fermer les banques, de limiter les retraits à 60 euros quotidiens par carte et d'imposer un contrôle des capitaux. La Grèce est depuis dans un état d'asphyxie économique.

Un référendum hors standard ?
De nombreux observateurs se sont émus des conditions dans lesquelles ce référendum a été organisé. On a estimé que les huit jours de campagne ont été insuffisants et que les documents sur lesquels les Grecs devaient se prononcer n'étaient pas disponibles. Le Conseil de l'Europe a considéré que ce référendum ne remplissait pas les « standards européens » du vote. Le Conseil d'Etat grec doit se prononcer sur sa constitutionnalité ce vendredi. Mais derrière ces éléments juridiques, on oublie que les créanciers ont fait campagne en Grèce en faveur du « oui » à leurs propositions avec des moyens autrement plus puissants.

Un désastre économique
Le premier moyen est donc l'accès à l'aide à la liquidité d'urgence, le programme ELA de la BCE. Cette dernière n'entend pas provoquer un Grexit. Elle a donc maintenu l'accès à l'ELA sans le couper. Une attitude confirmée mercredi 1er juillet au soir. Mais ce gel est un moyen de pression formidable sur la population. L'asphyxie de l'économie grecque est chaque jour plus évidente. Les entreprises grecques ont été exclues du système électronique de transferts intra-zone euro Target 2. Ceci conduit à une impossibilité quasi-totale d'importer. Des pénuries de nourriture, d'essence et de médicaments ont été signalées, notamment dans les îles. Dans les banques, on commence à manquer de billets pour alimenter les automates. Retirer les 60 euros autorisés devient difficile. Selon le Daily Telegraph, il ne resterait que 500 millions d'euros de liquidités disponibles dans les banques grecques. L'économie grecque s'effondre. Selon Paul Mason, envoyé spécial de Channel 4 en Grèce, le chiffre d'affaires dans le commerce de détail non alimentaire a reculé de 30 % à 50 % en cinq jours.

Pour beaucoup d'électeurs, la question n'est donc pas de voter pour ou contre les propositions, mais pour ou contre le retour à la normale en apaisant la fureur des créanciers et de la BCE. Le « oui » ne peut donc que profiter de cette asphyxie économique organisée.

Des entreprises favorables au « oui »
Dans cette situation, beaucoup d'entreprises font plus ou moins ouvertement campagne pour le « oui » afin d'obtenir ce retour à la normale. Selon la chaîne publique ERT, certains chefs d'entreprises inciteraient ouvertement leurs employés à voter « oui », d'autres feraient dépendre le paiement des salaires ou le maintien des emplois d'un vote positif. Rien d'étonnant à cela : sans rétablissement rapide de la liquidité dans l'économie et de la capacité d'importer, ces entreprises pourraient rapidement disparaître. D'autant que la situation économique du pays était déjà dégradée. Dès lors, l'argument du « non » pour rejeter l'austérité devient naturellement fragile. Mieux vaut sans doute pour beaucoup une nouvelle cure d'austérité à un arrêt total de l'économie.

Des médias privés très engagés pour le « oui »
Le deuxième moyen de pression est plus classique. Les médias grecs privés se sont quasiment tous lancés dans une campagne pour le « oui. » Des statistiques récentes montraient que le temps accordé sur les chaînes privés aux manifestations du « non » le 29 juin était anecdotique : 8 minutes contre 47 minutes pour celle du « oui » le 30 juin. Ces médias sont prêts à toutes les manipulations.

 Le tabloïd Press Star a ainsi utilisé en une jeudi 2 juillet la photo d'un vieil homme portant quelques pains pour illustrer le malheur des retraités grecs. Une photo qui s'est révélé être celle d'un survivant du... tremblement de terre turc de 1999.

L'enjeu défini par les institutions
Un jeu sur la peur que les créanciers n'hésitent pas à utiliser, eux aussi. La BCE a ainsi ouvertement fait du référendum un vote pour ou contre l'euro. Outre son action sur l'ELA, les déclarations mardi 30 juin au matin de Benoît Cœuré, membre français du directoire de la BCE, a mis fin par une simple reconnaissance de la possibilité du Grexit à l'irréversibilité officielle de l'euro. Dès lors, les électeurs grecs, favorables, selon les derniers sondages, à 81 % au maintien dans la zone euro sont prévenus. Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a abondé dans ce sens, tandis que le président du parlement européen Martin Schulz a promis un nouveau départ pour la Grèce « une fois l'ère Syriza terminée. » Autrement dit, les électeurs sont prévenus : un « non » signifierait le maintien de l'asphyxie économique, la sortie de l'euro et la mise au ban de l'Europe. Le refus des créanciers de poursuivre les négociations comme Alexis Tsipras l'avait proposé a encore augmenté la pression sur les électeurs en leur laissant entendre qu'il ne pourrait pas y avoir de nouvelles négociations en cas de « non. »

Le « non » en position de faiblesse
En face, le camp du « non » a bien peu d'arguments à faire valoir : Alexis Tsipras lundi 29 juin et Yanis Varoufakis jeudi 2 juillet ont mis leur mandat dans la balance. On tente aussi de glorifier le « non » en rappelant le fameux « non » du général Metaxas à l'ambassadeur d'Italie le 28 octobre 1940 qui est devenu une fête nationale en Grèce. Un moyen d'en appeler à la dignité du peuple grec face aux pressions. Mais c'est en réalité bien peu au regard de la situation et l'argument d'une position plus forte pour négocier en cas de « non » perd de la crédibilité face aux conditions matérielles. Même dans le camp gouvernemental, l'unité est mise à mal. Quatre députés des Grecs indépendants ont ainsi choisi de voter « oui » et, selon la presse grecque, la droite de Syriza commence à douter. Le choix des Grecs semble être désormais celui-ci : conserver l'actuel gouvernement élu pour rejeter le système traditionnel de partis clientélistes et se diriger vers le chaos économique ou rétablir la normalité économique en sacrifiant Alexis Tsipras. Nul ne peut blâmer des Grecs déjà lassés par cinq ans de souffrances de faire le second choix. Mais il convient de ne pas oublier que ce choix se fait avec un pistolet sur la tempe dont on entend déjà le cliquetis.

Le oui a le vent en poupe
Et de fait, la stratégie des créanciers fonctionne. Le « oui » a clairement le vent en poupe et progresse. Un sondage réalisé par Alco et publié ce vendredi donne le « oui » gagnat d'une courte tête avec 44,8 % des intentions de vote contre 43,4 % pour le « non » et 11,8 % d'indécis. Un autre, réalisé par l'Université de Macédoine, donne encore le « non » en tête à 43 % contre 42,5 % pour le « oui » et 14,5 % d'indécis. L'écart est donc minime, mais la dégradation économique est si forte que le besoin de retour à la normale va sans doute peser très lourd dimanche. Reste une matière à réflexion pour l'Europe. Comment est-il possible d'appliquer de tels moyens de pression sur un vote dans un pays de l'Union européenne ? Comment justifier que tous les moyens soient bons pour arracher un vote "acceptable" alors que la solution, une renégociation de la dette, est à portée de main ? L'Europe risque de rester durablement marquée par ce précédent.
Source : La Tribune


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MAJ 
Le courage des Grecs
Par Benito PerezPostez, le 6 juillet 2015 - Le Courrier

Le «non» était attendu mais pas avec une telle ampleur. Plus de 61% des votants et tous les districts du pays ont rejeté le plan d’austérité exigé par les créanciers de la Grèce. La folle semaine imposée au peuple hellène n’a fait que renforcer sa détermination à prendre une autre voie. Cinq mois après le succès de Syriza, les Grecs ont une nouvelle fois dit «non» à un avenir qui se dessinerait dans l’appauvrissement du plus grand nombre et le démantèlement de l’Etat et des solidarités sociales.

L’écart – quelque 23 points – est impressionnant au vu des moyens qui ont été employés pour faire plier la résistance. A commencer par la soudaine fermeture des banques grecques imposée par la Banque centrale européenne et les menaces répétées d’expulsion de la Grèce de l’eurozone en cas de victoire du «non». Une «stratégie du choc» que le ministre des Finances grec n’a pas hésité à qualifier de «terrorisme» samedi dans «El Mundo».

En Grèce même, d’innombrables pressions patronales ont été signalées par des salariés, appelés à choisir entre voter «oui» ou voir leur salaire diminuer. Pas moins graves, les prises de position de hauts-gradés de l’armée en faveur du «oui», dans un pays qui était encore dirigé par une junte militaire il y a quarante ans.

Cette dramatisation, les médias grecs et européens y ont largement contribué. Soutenant massivement le «oui», ils ont braqué leurs téléobjectifs sur ces pauvres retraités condamnés par la faute du gouvernement à faire la queue pour toucher leur retraite… en occultant bien sûr qu’un «oui» amaigrirait encore ce pécule. De sondages bidon en articles tendancieux, les télévisions et radios grecques n’ont reculé devant aucune forfaiture. Prouvant que les grands médias européens n’ont rien à envier à leurs confrères latino-américains quand il s’agit de servir une oligarchie et tenter de déstabiliser un gouvernement qui leur déplaît.

Le soudain stoïcisme des Grecs devant les menaces n’est d’ailleurs pas sans rappeler ce début des années 2000 quand l’Amérique latine osa prendre un autre chemin, qu’on lui prédisait apocalyptique. Lorsque le chantage à la bourse de Sao Paulo ne put plus empêcher Lula d’atteindre la présidence du Brésil au quatrième essai! Lorsque l’Argentine et l’Equateur refusèrent de rembourser leur dette sans se retrouver à l’âge du troc. Quand les Boliviens portèrent le Mouvement vers le socialisme au pouvoir, sourds aux pronostics du retour à l’inflation galopante.

Comme naguère en Amérique latine, l’échec patent, concret, des politiques néolibérales et leurs conséquences dramatiques pour la majorité ont eu raison des loyautés politiques traditionnelles et redonné leur liberté aux électeurs. A ce sentiment «de n’avoir rien à perdre», Syriza a su offrir des perspectives, une espérance. Depuis cinq mois, le gouvernement d’Alexis Tsipras, avec un redoutable mélange d’inflexibilité et de pragmatisme, a créé un rapport de confiance, de franchise avec la majorité des Grecs. Au-delà des frontières grecques, il a ouvert les yeux de millions d’Européens sur les présupposés idéologiques et les méthodes antidémocratiques qui président aux destinées continentales. Quel que soit le chemin que devra emprunter la Grèce demain – défaut, Grexit ou accord de restructuration – l’Europe n’est déjà plus la même depuis dimanche soir.
Source : Le Courrier

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