jeudi 13 avril 2017

“La Maison-Blanche a publié un rapport de renseignement manifestement faux, trompeur et amateur”

MAJ de la page : Idlib



Vladimir Poutine sur la Syrie : les Etats-Unis rejouent la même comédie insipide qu'en Irak (11 avril 2017) - activer les sous-titres

Une opinion largement partagée, notamment par Théodore Postol du MIT (voir ci-dessous)

* * *

Analyse du rapport de renseignement de la Maison-Blanche du 11 avril 2017
Par Theodore Postol, Professeur émérite en science, technologie et politique de sécurité nationale, Massachusetts Institute of Technology (MIT), le 11 avril 2017 - Scrib / Les Crises (trad.) PDF

Une évaluation rapide du rapport de renseignement de la Maison-Blanche publié le 11 avril 2017 à propos de l’attaque à l’agent neurotoxique à Khan Cheikhoun, en Syrie.

Cher Larry :

Je réponds à ce que vous me transmettez que je comprends être un communiqué de la Maison-Blanche affirmant avoir découvert des informations à propos de l’attaque à l’agent neurotoxique le 4 avril 2017 à Khan Cheikhoun, en Syrie. Ce que je comprends de votre note est que le résumé des renseignements de la Maison-Blanche vous a été communiqué dans la journée du 11 avril.

J’ai examiné le document avec soin, et je crois qu’on peut montrer, sans aucun doute, que le document ne fournit aucune preuve d’aucune sorte que le gouvernement des États-Unis ait eu une connaissance concrète que le gouvernement syrien ait été la source de l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, en Syrie, à approximativement 6 à 7 heures du matin le 4 avril 2017.

En fait, une preuve principale citée dans le document porte à croire à une attaque qui aurait été exécutée par des individus au sol, et non pas depuis un avion, le matin du 4 avril.

Cette conclusion se fonde sur une hypothèse faite par la Maison-Blanche lorsqu’elle cite la source de l’émission de sarin et les photographies de cette source. Ma propre analyse est que la source a très probablement été falsifiée ou mise en scène, donc aucune conclusion sérieuse ne pourrait être tirée des photographies auxquelles la Maison-Blanche a fait référence.

Cependant, si l’on suppose, ce que fait la Maison-Blanche, que la source du sarin venait de ce lieu et que cette localisation n’a pas été falsifiée, la conclusion la plus plausible est que le sarin a été répandu par un engin de dispersion improvisé fabriqué à partir d’une section d’un tube de roquette de 122 mm remplie de sarin et bouchée des deux côtés.

Le seul fait incontestable énoncé dans le rapport de la Maison-Blanche est l’affirmation qu’une attaque chimique utilisant un agent neurotoxique s’est produite à Khan Cheikhoun, en Syrie, ce matin-là. Bien que le communiqué de la Maison-Blanche répète ce point de nombreuses fois dans son rapport, celui-ci ne contient absolument aucune preuve que cette attaque ait été le résultat d’une munition lâchée depuis un avion. En fait, le rapport ne contient absolument aucune preuve qui indiquerait qui est le coupable de cette atrocité.

Le rapport accumule au contraire les observations d’effets physiques dont souffrent les victimes qui indiquent sans aucun doute un empoisonnement par un agent neurotoxique.

La seule source que le document cite comme une preuve que l’attaque ait été perpétrée par le gouvernement syrien est le cratère qu’il affirme avoir identifié sur une route au nord de Khan Cheikhoun.

J’ai localisé ce cratère en utilisant Google Earth et il n’y a absolument aucune preuve que le cratère ait été créé par une munition conçue pour disperser du sarin après avoir été larguée d’un avion.

La carte Google Earth en image 1 à la fin de ce paragraphe montre le lieu de ce cratère sur la route au nord de Khan Cheikhoun, comme décrit dans le communiqué de la Maison-Blanche.

Les données citées par la Maison-Blanche sont plus conformes à la probabilité que les munitions étaient placées sur le sol plutôt que lâchées depuis un avion. Cette conclusion suppose que le cratère n’a pas été falsifié avant les photographies. Cependant, en se référant à la munition dans ce cratère, la Maison-Blanche indique que c’est la source inexacte des données qu’elle a utilisée pour conclure que la munition provenait d’un avion syrien.

L’analyse des débris visibles sur les photographies citées par la Maison-Blanche indique clairement que la munition était très certainement placée sur le sol avec un explosif de détonation externe sur le dessus qui a écrasé le conteneur afin de disperser la présumée charge de sarin.

Puisque le temps semble être essentiel ici, j’ai assemblé un résumé des preuves que j’ai que le rapport de la Maison-Blanche contient des conclusions fausses et trompeuses dans une série d’images à la fin de cette discussion. Chacune des images a une description en dessous, mais je vais résumer ces images ci-dessous et attendre d’autres questions sur la base des conclusions que je propose ici.

L’image 1 montre une capture de Google Earth du coin nord-est de Khan Cheikhoun où se trouve le cratère identifié comme la source de l’attaque au sarin et mentionné dans le rapport de la Maison-Blanche.

La capture Google Earth affiche également la direction du vent depuis le cratère. À 3 heures du matin, le vent allait directement vers le sud à une vitesse d’environ 1,5 à 2,5 m/s. À 6 heures du matin, le vent se déplaçait vers le sud-est de 1 à 2 m/s. La température était également basse, de 10 à 13°C près du sol. Ces conditions sont absolument idéales pour une attaque à l’agent neurotoxique.

Lorsque la température près du sol est faible, qu’il n’y a pas de soleil et des vents très lents, l’air frais et dense reste près du sol et il n’y a presque aucun mouvement vers le haut de l’air. Ces conditions impliquent que les particules, les gouttelettes ou les nuages de gaz dispersé restent près du sol lorsque l’air environnant se déplace sur le sol. Nous percevons ce mouvement comme une douce brise dans un matin calme avant le lever du soleil.

On peut se représenter un nuage de sarin comme un nuage d’encre généré par une pieuvre qui s’échappe. Le nuage d’encre flotte dans l’eau, et à mesure que l’eau se déplace lentement, le nuage se déplace aussi. Comme le nuage est déplacé par l’eau, il se propagera lentement dans toutes les directions à mesure qu’il se déplace. Si la couche d’eau où l’encre est incorporée se déplace de manière à rester près du fond de l’océan, le nuage couvrira les objets alors qu’il se déplace avec l’eau.

C’est la situation qui se produit lors d’une nuit fraîche avant le lever du soleil lorsque les vents ne se déplacent que doucement.

Les images 5 et 6 montrent des tableaux qui résument la météo à intervalles de 3 heures à Khan Cheikhoun le jour de l’attaque, le 4 avril, la veille de l’attaque, le 3 avril et le lendemain de l’attaque, le 5 avril. La caractéristique frappante de la météo est qu’il y avait des vents relativement élevés dans les heures du matin à la fois les 3 avril et 5 avril. Si l’attaque par gaz avait été exécutée le jour précédent ou le lendemain matin, l’attaque aurait été très inefficace. Les vents beaucoup plus élevés auraient dispersé le nuage d’agent neurotoxique et le mouvement de vents d’altitudes plus élevées aurait élevé l’agent neurotoxique dans les airs. Il est donc absolument clair que l’heure et le jour de l’attaque ont été soigneusement choisis et n’étaient pas un hasard.

L’image 2 montre une photographie de haute qualité du cratère identifié dans le rapport de la Maison-Blanche comme la source de l’attaque au sarin. En supposant qu’il n’y avait pas de falsification de preuves au cratère, on peut voir ce que la Maison-Blanche prétend être un diffuseur de l’agent neurotoxique.

Le diffuseur ressemble à un tube de 122 mm similaire à ceux utilisés dans la production de fusées d’artillerie.

Comme le montre le gros plan du tube dans le cratère de l’image 3, le tube semble être scellé à l’avant et à l’arrière. Il est également à noter que le tube est aplati dans le cratère, et a également une ligne de fracture qui a été créée par une rupture fragile de l’enveloppe métallique lorsque le tube a été soudainement écrasé vers l’intérieur depuis le dessus.

L’image 4 montre la configuration possible d’un dispositif de dispersion de sarin improvisé qui aurait pu être utilisé pour créer le cratère et la carcasse écrasée de ce qui était à l’origine un tube cylindrique. Une bonne estimation de la façon dont ce mécanisme de dispersion a fonctionné (encore une fois, en supposant que le cratère et la carcasse n’aient pas été mis en scène, comme l’a supposé le rapport de la Maison-Blanche), est qu’un bloc d’un puissant explosif a été placé sur une extrémité du tube rempli de sarin et a détoné.

L’explosif a agi sur le tube comme si un maillet l’avait écrasé. Il a conduit le tube dans le sol tout en créant le cratère. Étant donné que le tube était rempli de sarin, qui est un fluide incompressible, lorsque le tuyau a été aplati, le sarin a agi sur les parois et les extrémités du tube, provoquant une fissure sur toute la longueur du tube et également la rupture du bouchon à l’extrémité arrière. Ce mécanisme de dispersion est essentiellement le même que le fait de frapper un tube de dentifrice avec un gros maillet, ce qui entraîne une rupture du tube et le dentifrice est soufflé dans de nombreuses directions selon la manière exacte de la rupture de l’enveloppe du tube de dentifrice.

Si c’est bien le mécanisme utilisé pour disperser le sarin, cela indique que le tube de sarin a été placé sur le sol par des individus au sol et qu’il n’a pas été largué par un avion.

L’image 8 montre le diffuseur de sarin improvisé avec une fusée d’artillerie typique de 122 mm et la fusée d’artillerie modifiée utilisée dans l’attaque au sarin du 21 août 2013 à Damas.

À cette époque (le 30 août 2013), la Maison-Blanche d’Obama a aussi publié un rapport de renseignement contenant des inexactitudes évidentes. Par exemple, le rapport indiquait sans équivoque que la fusée d’artillerie contenant le sarin utilisée à Damas avait été tirée depuis une des zones contrôlées par le gouvernement syrien. Il s’est avéré que la munition particulière utilisée dans cette attaque ne pouvait pas aller plus loin qu’environ 2 km, donc très loin d’une zone contrôlée par le gouvernement syrien à cette époque. Le rapport de la Maison-Blanche à l’époque contenait aussi d’autres erreurs cruciales et importantes que l’on pourrait convenablement qualifier d’amateurs. Par exemple, le rapport affirmait que les lieux de lancement et l’impact des pointes des roquettes d’artillerie avaient été observés par des satellites des États-Unis. Cette affirmation était absolument fausse et n’importe quel analyste du renseignement compétent l’aurait su. On pouvait voir les fusées depuis le Space-Based Infrared Satellite (SBIRS) mais le satellite ne pouvait absolument pas voir les points d’impact parce que les points d’impact n’ont pas été accompagnés d’explosion. Ces erreurs étaient des indicateurs clairs que le rapport de renseignement de la Maison-Blanche avait en partie été fabriqué et n’avait pas été vérifié par des experts du renseignement compétents.

La même situation semble se répéter avec l’actuel rapport de renseignement de la Maison-Blanche. Aucun analyste un tant soit peu compétent ne se prononcerait sur le fait que le cratère présenté comme la source de l’attaque au sarin soit une preuve que le projectile proviendrait d’un avion. Aucun analyste un tant soit peu compétent ne pourrait se prononcer sur le fait que la photo de la carcasse de la cartouche de sarin soit effectivement une cartouche de sarin. N’importe quel analyste compétent aurait des doutes quant à savoir si les débris dans le cratère sont réels ou une mise en scène. Aucun analyste compétent n’aurait laissé passer le fait que la cartouche de sarin a été écrasée avec force par le dessus, plutôt que explosée à l’aide d’une charge explosive à l’intérieur. Toutes ces grossières erreurs d’amateurs montrent que ce rapport de la Maison-Blanche, tout comme le précédent rapport de la Maison-Blanche sous l’administration Obama, n’a pas été examiné correctement par la communauté du renseignement, comme cela a été rapporté.

J’ai travaillé avec la communauté du renseignement par le passé et je m’inquiète gravement de la politisation du renseignement qui semble arriver de plus en plus fréquemment ces derniers temps ; mais je sais que la communauté du renseignement possède des analystes très compétents. Et si ces analystes avaient correctement été consultés sur les déclarations du rapport de la Maison-Blanche, ils n’auraient pas approuvé ce document.

Je suis disponible pour développer substantiellement ces commentaires. Je n’ai eu que quelques heures pour examiner rapidement le rapport de la Maison-Blanche. Mais une lecture attentive rapide montre sans beaucoup d’analyses que ce rapport ne peut pas être correct, et il semble que ce rapport n’a pas été correctement vérifié par la communauté du renseignement.

C’est un problème vraiment très grave.

Le président Obama a été initialement mal informé sur les supposés indices du renseignement selon lesquels la Syrie avait perpétré l’attaque à l’agent neurotoxique à Damas, le 21 août 2013.  C’est une information qui est désormais publique. Le président Obama a indiqué que sa compréhension initialement fausse était due au fait que les renseignements montraient clairement que la Syrie était la source de l’attaque à l’agent neurotoxique. Cette information fausse a été corrigée lorsque le Directeur du renseignement national d’alors, James Clapper, a interrompu le Président durant un exposé des renseignements. D’après le président Obama, M. Clapper a dit au Président que les renseignements selon lesquels la Syrie était l’auteur de l’attaque n’étaient pas un truc facile à faire avaler.

La question à laquelle doit répondre notre nation est comment le Président a-t-il été initialement induit en erreur sur des conclusions aussi profondément importantes ? Une deuxième question, tout aussi importante, est comment la Maison-Blanche a produit un rapport de renseignement manifestement incorrect et amateur, qui a été rendu public et jamais rectifié ? La même information fausse dans le rapport du renseignement publié par la Maison-Blanche le 30 août 2013 a été solennellement fournie par le Secrétaire d’État John Kerry dans sa déposition au Comité des affaires étrangères du Sénat !

Nous faisons de nouveau face à une situation où la Maison-Blanche a publié un rapport de renseignement manifestement faux, trompeur et amateur.

Il est tard dans la soirée pour moi, donc je vais arrêter mon examen ici.

Je suis prêt à fournir à mon pays toute analyse ou toute aide qui relève de ma compétence. Ce que je peux dire de façon certaine ici, c’est que ce que raconte maintenant la Maison-Blanche au pays ne peut pas être vrai et le fait que cette information a été fournie dans ces conditions pose les questions les plus sérieuses sur la gestion de notre sécurité nationale.

Sincèrement vôtre, Theodore A. Postol

Professeur émérite en science, technologie et en politique de sécurité nationale

Massachusetts Institute of Technology

Theodore Postol est professeur de Science, Technologie et de Stratégie en Sécurité Nationale dans le programme de Science, Technologie et Société du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Il a fait ses études de premier cycle en physique et de deuxième cycle en ingénierie nucléaire au Massachusetts Institute of Technology. Après avoir obtenu son doctorat, le Professeur Postol a rejoint l’équipe du Laboratoire National Argonne, où il a étudié la dynamique microscopique et la structure des liquides ainsi que des solides amorphes à l’aide de la diffusion de neutrons, de rayons X, et de lumière, en parallèle avec des techniques informatisées de dynamique moléculaire. Par la suite, il s’est dirigé vers le bureau du Congrès d’Évaluation Technologique pour étudier les méthodes de déploiement des missiles MX, et, plus tard, il a travaillé comme conseiller scientifique auprès du chef des opérations navales.

Après avoir quitté le Pentagone, le Professeur Postol a participé à la mise en place d’un programme à l’Université de Stanford pour former les chercheurs en milieu de carrière à étudier les développements dans les technologies d’armement relatives à la défense et à la stratégie de contrôle des armes. En 1990, la Société Américaine de Physique remet le prix Leo Szilard au Professeur Postol. En 1995, il reçoit le prix Hilliard Roderick des mains de l’Association Américaine pour l’Avancée des Sciences, et en 2001 le prix Norbert Wiener remis par Les Professionnels de l’Informatique pour la Responsabilité Sociale pour avoir débusqué un grand nombre d’affirmations fausses sur les défenses par missiles.


Figure 1 : Direction du nuage mortel le 4 avril 2017 entre 03h00 et 06h00, dans l’hypothèse où le cratère identifié dans le rapport de la Maison Blanche est bien le site réel de dispersion du sarin.


Figure 2 : Photographie rapprochée du cratère qui a été montré par de nombreux média traditionnels et que la Maison Blanche prétend être la preuve que le responsable de l’attaque neurotoxique était le gouvernement syrien.


Figure 3 : Déformation du tube rempli de sarin et du cratère issu de l’action de la charge explosive placée au-dessus du tuyau rempli de sarin. Notez que le tube a été aplati de l’extérieur et a éclaté sur sa longueur et à l’extrémité en raison de l’action du sarin liquide incompressible contre les parois du tube. [“La carcasse du tube qui aurait pu contenir le sarin apparait comme ayant été écrasé par une puissante force explosive vers le sol”]


Figure 4 : Configuration possible d’un dispositif improvisé de dispersion de sarin qui utilise un explosif placé à l’extérieur et un tube scellé qui a été rempli de sarin, pouvant potentiellement contenir de 8 à 10 litres de sarin.


Figure 5 : La météo au moment de l’attaque était idéale pour la propagation la plus létale de l’agent neurotoxique. Le sol était frais et il y avait une couche d’air à haute densité près du sol
qui entrainerait l’agent neurotoxique près du sol pendant qu’il dérivait vers ses victimes. La vitesse du vent était également très faible, ce qui a conduit à ce que le sarin mette beaucoup de temps
pour passer parmi ses victimes, entraînant de longues expositions qui rendaient plus probable le fait que les victimes recevraient une dose létale.


Figure 6 : La météo la veille de l’attaque, le lundi 3 avril, et le lendemain de l’attaque, le mercredi 5 avril, induisait un mauvais temps pour une attaque efficace des agents neurotoxiques. Les vents étaient puissants et en rafale les deux jours, ce qui aurait éloigné le sarin du sol et l’aurait fait passer rapidement sur toutes les victimes potentielles, ce qui laissait un temps très limité pour recevoir une dose mortelle.


Figure 7 : Comment le sarin est dispersé par le vent : le graphique ci-dessus montre une estimation de la dispersion d’un nuage de gouttelettes de sarin dans des conditions météorologiques similaires à celles de Khan Cheikhoun le 4 avril 2017. Alors que le sarin est porté par les vents ambiants, il a tendance à monter et à se propager quelque peu du fait des turbulences de l’air. Notez que le nuage pourrait ne pas trop se disperser sur des distances de milliers de mètres sous le vent. La distance de propagation et la dispersion verticale sont déterminées non seulement par les conditions météorologiques, mais aussi par le sol, qui peut favoriser la dispersion s’il présente un relief, et inversement réduire la dispersion s’il est plat et non accidenté.


Figure 8 : L’engin artisanal de dispersion de sarin au sol est présenté à côté d’une roquette standard de 122 mm, et de l’obus modifié qui a été utilisé pour disperser le sarin durant l’attaque par agent innervant du 21 août 2013. Contrairement aux obus modifiés utilisés lors de l’attaque sur Damas du 21 août 2013, cet engin artisanal de dispersion est constitué simplement d’une section cylindrique provenant d’une roquette de 122 mm, ou utilisée pour la fabrication de roquettes de 122 mm qui pourraient être remplies de sarin. L’explosif placé en haut du cylindre pourrait l’écraser comme s’il s’agissait d’un tube de dentifrice écrasé par un marteau. Le sarin est alors dispersé autour du tube métallique comme le serait le dentifrice autour du tube de dentifrice.


Figure 9 : Estimation approximative des densités potentielles de sarin, et durées d’exposition mortelle provenant d’un engin de dispersion de sarin artisanal décrit dans le rapport de la Maison-Blanche, et qui a explosé sur la route à Khan Cheikhoun.


Figure 10 : Points d’impact et colonnes de fumée provenant de bassins d’évaporation d’agents neurotoxiques, entre 2 et 3h du matin, le 21 août 2013

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Le moment « Des hommes d’influence » de Trump
Par Robert Parry, le 7 avril 2017 -  Consortiumnews / Les Crises

Le président Trump a reçu les applaudissements des néoconservateurs pour sa décision hâtive d’attaquer la Syrie, et pour avoir tué une douzaine de syriens environ, mais son acte irréfléchi présente tous les signes d’un moment « Des hommes d’influence », écrit Robert Parry.

Deux jours seulement après que la nouvelle a éclaté d’une attaque présumée au gaz toxique dans le nord de la Syrie, le président Trump a balayé les conseils de certains analystes du renseignement des États-Unis doutant de la culpabilité du régime syrien, et a lancé en représailles une frappe de missiles meurtrière contre un terrain d’aviation syrien.


Le destroyer lance-missile USS Porter conduit des offensives depuis la mer Méditerranée, le 7 avril 2017.

Trump a immédiatement reçu les applaudissements de Washington, en particulier des néoconservateurs, qui essaient d’arracher le contrôle de sa politique étrangère à ses conseillers personnels tournés vers la nation, depuis les jours qui ont suivi sa victoire surprise le 8 novembre.

Il y a aussi un conflit interne concernant le renseignement. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le secrétaire d’État Rex Tillerson a dit que la communauté du renseignement des États-Unis avait évalué avec un « haut degré de confiance » que le gouvernement syrien avait largué une bombe à gaz toxique sur des civils dans la province d’Idleb.

Mais de nombreuses sources du renseignement ont fait des analyses contradictoires, déclarant que la majorité des preuves suggérait l’implication des rebelles affiliés à al-Qaïda, soit qu’ils aient orchestré la fuite intentionnelle d’un agent chimique par provocation, soit qu’ils possédaient des cuves de gaz toxique qui se sont rompues lors d’un raid de bombardement conventionnel.

Une source d’un service de renseignement m’a dit que le scénario le plus probable était un coup monté par les rebelles destiné à forcer Trump à renverser une politique annoncée seulement quelques jours auparavant, c’est-à-dire que le gouvernement des États-Unis ne viserait plus un « changement de régime » en Syrie et se focaliserait sur l’attaque de l’ennemi commun, les groupes terroristes islamiques qui représentent le noyau des forces rebelles.

Mon interlocuteur m’a dit que l’équipe de sécurité nationale de Trump était divisée entre les conseillers personnels proches du président, comme l’énergumène nationaliste Steve Bannon et son propre gendre Jared Kushner d’un côté, et les néocons de l’ancienne ligne qui se sont regroupés derrière le conseiller en sécurité nationale H.R. McMaster, un général de l’armée, protégé du favori des néocons le général David Petraeus.

Lutte interne à la Maison-Blanche

Dans ce récit, l’éviction préalable du général Michael Flynn du poste de conseiller en sécurité nationale et le renvoi cette semaine de Bannon du Conseil de sécurité Nationale étaient des étapes clés dans la réaffirmation de l’influence des néocons dans la présidence de Trump. Les personnalités étranges et l’extrémisme idéologique de Flynn et de Bannon ont rendu leur éviction plus simple, mais ils représentaient des obstacles que les néocons voulaient lever.

Bien que Bannon et Kushner soient souvent présentés comme des rivaux, selon ma source, ils partageaient la conviction que Trump devrait dire la vérité sur la Syrie, en révélant l’analyse de la CIA sous l’administration Obama que l’attaque mortelle au gaz sarin de 2013 était une opération sous « faux drapeau » destinée à embobiner le président Obama pour qu’il rejoigne pleinement la guerre en Syrie du côté des rebelles, et ils partageait les convictions des analystes du renseignement à propos de l’événement de mardi, qui sont identiques.

Au contraire, Trump a accepté l’idée de se précipiter sur un jugement hâtif rendant Assad responsable de l’épisode du gaz toxique d’Idleb. Mon interlocuteur a ajouté que Trump a vu l’attaque aux missiles de la nuit de jeudi comme une façon pour que Washington parle d’autre chose, à un moment où son administration subit de vives attaques de la part des Démocrates prétendant que son élection résulte d’une opération clandestine russe.

Si changer le récit était le but de Trump, il a plutôt atteint un début de succès avec plusieurs des plus vifs critiques néocons, comme le sénateur néocons John McCain et Lindsey Graham, qui saluent la frappe de missiles, tout comme le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Les néocons et Israël cherchent depuis longtemps un « changement de régime » à Damas même si une éviction d’Assad pourrait conduire à une victoire des extrémistes islamiques associés à al-Qaïda et/ou à l’État islamique.

Des hommes d’influence

Trump usant d’une stratégie « Des hommes d’influence », mettant en évidence son leadership dans une crise internationale pour détourner l’attention de problèmes politiques internes, cela rappelle les menaces du président Bill Clinton d’attaquer la Serbie début 1999 alors que sa procédure de destitution était enclenchée pour avoir eu une relation sexuelle avec la stagiaire Monica Lewinsky. (Clinton a, lui aussi, été accusé d’user d’une stratégie « Des hommes d’influence » lorsqu’il a mis à feu des missiles vers des bases supposées d’al-Qaïda en Afghanistan et au Soudan en 1998 en représailles des attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie.)

Les conseillers de Trump, dans leur conférence de presse de jeudi soir, se sont étendus sur la compassion qu’éprouve Trump pour les victimes du gaz toxique et sa détermination à bombarder l’armée d’Assad contrastant avec le souhait d’Obama de laisser le renseignement mener une enquête sérieuse sur les preuves concernant le cas du gaz sarin de 2013.

Finalement, Obama écouta ses officiers du renseignement qui lui dirent qu’il n’y avait pas de preuve irréfutable impliquant le régime d’Assad et il retint une frappe militaire à la dernière minute – tout en maintenant la fiction que le gouvernement des USA était certain de la culpabilité d’Assad.

Dans chacun des cas – 2013 et 2017 – il y avait de fortes raisons de douter de la responsabilité d’Assad. En 2013, il venait d’inviter les inspecteurs des Nations Unies en Syrie pour enquêter sur des cas où les rebelles auraient pu user d’armes chimiques et de ce fait il était improbable qu’il ait lancé une attaque au gaz sarin dans les banlieues de Damas, étant sûr que les inspecteurs de l’ONU en seraient avertis.

De même, l’armée d’Assad est maintenant en position de force vis-à-vis des rebelles, et Assad vient de marquer une victoire diplomatique majeure avec l’annonce par l’administration de Trump que les États-Unis ne cherchaient plus un changement de régime en Syrie. Le perspicace Assad saurait qu’une attaque aux armes chimiques en ce moment provoquerait sans doute des représailles des États-Unis et remettrait en question ce que son armée avait réussi avec l’aide russe et iranienne.

Le contre-argument à cette logique – présenté par le New York Times et d’autres médias de la tendance néoconservatrice – tient essentiellement à affirmer qu’Assad est un fou barbare qui testerait sa nouvelle position de force en provocant le président Trump. Bien sûr, si c’était le cas, il serait logique qu’Assad se vante de son geste, plutôt qu’il ne le nie.

Mais logique et respect des faits ne prévalent plus au sein de Washington, ni dans les médias mainstream aux États-Unis.

Insurrection du renseignement

L’inquiétude dans la communauté du renseignement US au sujet de la décision hâtive de Trump d’attaquer la Syrie a fait écho du Moyen-Orient jusqu’à Washington, où l’ancien officier de la CIA Philip Giraldi rapporta que ses contacts dans le renseignement sur le terrain avaient été choqués par la distorsion de la nouvelle affaire de gaz toxique par Trump et les médias mainstream US.


Philip Giraldi, ancien officier de la CIA (Crédit photo: Gage Skidmore)

Giraldi dit en interview sur le net à Scott Horton : “J’entends des sources sur le terrain au Moyen-Orient, des personnes en contact direct avec les informations disponibles, qui disent que le scénario que nous entendons tous, le gouvernement syrien ou les Russes utilisant des armes chimiques sur des civils innocents, est une imposture.”

Giraldi dit que ses sources sont plutôt en accord avec l’analyse qui postule un dégagement accidentel du gaz toxique après un bombardement aérien par les Russes d’un dépôt d’armes d’al-Qaïda.

“Les informations confirment largement le compte-rendu donné par les Russes … qui est qu’ils ont frappé un entrepôt où les rebelles – ceux-ci étant bien sûr connectés avec al-Qaïda – où les rebelles stockaient leurs propres produits chimiques et cela a finalement provoqué une explosion qui a causé ces pertes. Apparemment le renseignement est très clair sur ces faits.”

Giraldi dit que la colère chez les membres de la communauté du renseignement, provoquée par la distorsion de l’information afin de justifier les représailles militaires de Trump, est si forte que certains officiers sous couverture envisagent de se prononcer publiquement.

“Dans l’agence [la CIA] et dans l’armée, ceux qui ont l’information paniquent car Trump a réellement déformé ce qu’il aurait déjà dû savoir – mais peut-être qu’il l’ignorait – et ils craignent que la situation évolue en direction d’un conflit armé,” disait Giraldi avant le tir de missiles de jeudi soir. “Ils sont stupéfaits du jeu que jouent l’administration et les médias US.”

Couverture partiale

Les médias grand public américains ont représenté la crise actuelle avec le même biais profondément néoconservateur qui infecte la couverture de la Syrie et du grand Moyen-Orient depuis des décennies. Par exemple, le New York Times de vendredi a publié un article important de Michael R. Gordon et Michael D. Shear qui présentait la responsabilité du gouvernement syrien pour l’incident au gaz toxique comme un fait avéré. Le développement ne daignait même pas mentionner les dénégations de la part de la Syrie et de la Russie quant à une quelconque utilisation intentionnelle de gaz toxique.

L’article est également conforme au désir de Trump d’être montré comme un dirigeant décisif et puissant. Il est décrit comme menant d’intenses délibérations sur la guerre ou la paix, et faisant montre d’une profonde humanité envers les victimes du gaz toxique, l’un des rares moments où le Times, qui est devenu une feuille de propagande néoconservatrice de référence, a écrit quelque chose de favorable sur Trump.

Selon les rapports syriens de vendredi, l’attaque américaine a tué 13 personnes, dont 5 soldats, sur la base aérienne.

Gordon, dont les services à la cause néoconservatrice sont notoires, était l’auteur principal avec Judith Miller de l’histoire du Times sur le faux “tube en aluminium” en 2002, qui prétendait à tort que le dirigeant irakien Saddam Hussein redémarrait un programme d’armement nucléaire, un article qui fut alors cité par les assistants du président George W. Bush comme un argument clé pour l’invasion de l’Irak en 2003.

Concernant les événements de cette semaine, le désir désespéré de Trump d’améliorer l’image négative que les médias donnent de lui et les preuves douteuses incriminant Assad dans l’incident d’Idleb pourraient correspondre au scénario du film de 1997 “Des hommes d’influence”, dans lequel un président attaqué de toutes parts crée une crise artificielle en Albanie.


Une fausse scène de guerre dans la comédie noire de 1997 “Des hommes d’influence”, montrant une jeune fille et son chat fuyant sous un bombardement en Albanie.

Dans le film, l’opération de la Maison-Blanche est une opération psychologique cynique destinée à convaincre le peuple américain que d’innocents enfants albanais, dont une charmante fillette portant un chat, sont en danger, alors qu’en réalité la fillette est une actrice jouant devant un écran vert qui permet d’insérer des scènes de ruines fumantes en arrière-plan.

Aujourd’hui, parce que Trump et son administration sont désormais décidés à convaincre les Américains qu’Assad est vraiment responsable de la tragédie du gaz toxique de mardi, les perspectives d’une enquête exhaustive et transparente sont effectivement nulles. Nous pourrions ne jamais savoir s’il y a du vrai dans ces allégations ou si nous avons été manipulés dans une opération psychologique à la manière “Des hommes d’influence”.

Le journaliste d’investigation Robert Parry a publié une grande partie des articles sur l’affaire Iran-Contra pour Associated Press et Newsweek dans les années 1980.

Source: Consortiumnews.com, le 07/04/2017

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